Libye : le nouveau Parlement écartelé entre nationalistes et islamistes
La confusion autour de la séance inaugurale du nouveau Parlement, convoquée lundi à Tripoli par les islamistes et à Tobrouk (est) par les nationalistes, est l’expression politique des divisions qui minent le pays, déchiré depuis le 13 juillet par les combats entre milice rivales.
La mise en place du nouveau Parlement libyen a très mal commencé. Les élus ont été convoqués à la séance inaugurale lundi 4 août à deux endroits différents. Tobrouk pour les nationalistes, à 1 500 km à l’est du chaos de la capitale, et Tripoli pour les islamistes.
Samedi déjà, "160 des 188 élus du Parlement" – chiffre non vérifié de source indépendante – auraient tenu une réunion informelle à Tobrouk, boycottée par les islamistes et leurs alliés. Un chiffre qui, s’il se révélait exact, confirmerait la victoire écrasante des nationalistes devant leurs rivaux aux dernières législatives, où les candidatures étaient individuelles.
Après une cérémonie protocolaire, les députés présents à Tobrouk devaient prêter serment lundi dans l’après-midi, avant d’élire le président de la "Chambre des représentants", selon l’élu Abou Bakr Biira qui préside la réunion.
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Dialogue de sourds
Mais les élus islamistes et leurs alliés de la ville de Misrata (ouest) boycottent la cérémonie qu’ils qualifient d’anticonstitutionnelle. En effet, ils estiment que c’était à Nouri Abou Sahmein, président du Congrès général national (le Parlement sortant dominé par les islamistes), de convoquer la réunion. Selon eux, Tobrouk est une ville acquise à la cause du général dissident Khalifa Haftar, qui a annoncé le 16 mai une offensive anti-islamiste dans l’est du pays. Nouri Abou Sahmein a ainsi maintenu la cérémonie de "passation de pouvoir" à Tripoli. Initialement prévue à 11 heures (9h GMT), elle a été retardée.
Selon une source libyenne bien renseignée, c’est aussi le transfert du Parlement de Tripoli à Benghazi, à la suite des secondes élections législatives du 25 juin, qui nourrit la colère des islamistes. "Ils perdent enfin le contrôle sur le Parlement, qui pourrait faire passer des lois de type antiterroriste qu’ils redoutent", estime cette source.
Cette confusion autour de la séance inaugurale du nouveau Parlement résulte des profondes divisions entre islamistes et nationalistes, qui s’expriment aussi sur le terrain militaire avec de violents combats entre milices rivales, d’une intensité jamais atteinte depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.
Plus de 220 morts en 15 jours
En deux semaines, les violences à Tripoli et Benghazi ont fait plus de 220 morts et un millier de blessés, selon les autorités. Rien que pour la journée de samedi dernier, la capitale a enregistré 22 morts et 72 blessés, selon le gouvernement. D’après des analystes, les islamistes tentent de compenser leur défaite aux législatives du 25 juin par les armes. Depuis le 13 juillet, quelques jours après l’annonce des résultats préliminaires, ils lancent des offensives à Tripoli et Benghazi (est) contre l’armée ou d’autres groupes armés anti-islamistes, comme les puissantes brigades de Zenten (à 170 km au sud-ouest de Tripoli).
Pour se justifier, les assaillants, qui se présentent comme d’ex-rebelles ayant combattu le régime de Mouammar Kadhafi, affirment lutter contre des "résidus" de l’ancien régime. La mouvance nationaliste accuse de son côté les islamistes de semer le chaos pour tenter d’empêcher la prise de fonction du Parlement, où ils n’ont plus la majorité. "Désormais, nous sommes dans une situation où il y a deux autorités différentes : une issue des élections législatives à Tobrouk et une sur le terrain qui domine les trois grandes villes du pays" (Tripoli, Benghazi et Misrata), estime Salah Al-Bakouch, un militant politique pro-islamiste.
(Avec AFP)
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