Maroc : Driss Khrouz, économiste et homme de transition

Pour beaucoup, l’économiste marocain est avant tout celui qui a dirigé la Bibliothèque nationale. Mais le parcours de Driss Khrouz est avant tout lié à la transition démocratique du royaume.

Driss Krouz. © Fatma Ben Hamad / JA

Driss Krouz. © Fatma Ben Hamad / JA

CRETOIS Jules

Publié le 11 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

Fin septembre, le ministre de la Communication et de la Culture, Mohamed Laarej, nommait Abdelilah Tahani, haut fonctionnaire, à la direction par intérim de la Bibliothèque national du royaume du Maroc (BNRM), dont la direction est restée vacante depuis le départ de Driss Khrouz en novembre 2016. Et depuis l’élection de Nizar Baraka à la tête de l’Istiqlal ce 7 octobre, les rumeurs vont bon train sur la personne qui pourrait lui succéder à la tête du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Une autre institution que le même Khrouz connaît bien, pour lui avoir pavé la route au sein d’une organisation-ancêtre.

Lors du dernier Festival des musiques sacrées de Fès, en mai 2017, chacun pouvait l’apercevoir, l’air visiblement détendu. Cela faisait un certain temps que l’équipe organisatrice pensaient à lui pour diriger le Forum de l’événement. Et pour la première fois, à 65 ans, Driss Khrouz avait dit oui.

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C’est que l’économiste, si il est formellement retraité de l’enseignement supérieur, continue à s’aventurer là où il sent battre le pouls de la modernisation politique du pays. Car, si beaucoup le rattachent à la BNRM qu’il a dirigé pendant environ treize ans, Driss Khrouz est aussi – et surtout – un militant de la transition démocratique.

LA BNRM, « pas un stock de vieux livres »

Quand il est nommé à la tête de la BNRM, cette dernière est encore la Bibliothèque générale et des archives, « une coquille vide, sinistrée », de son propre aveu. Mais Mohammed VI, fraîchement monté sur le trône a donné des gages : la nouvelle institution jouira d’une réelle autonomie et de moyens.

Alors, Khrouz accepte et se relève les manches. En une décennie, une nouvelle bibliothèque moderne est construite, des dizaines de décrets d’application sont publiés. Driss Khrouz, bien que féru de culture, le fait savoir : il ne veut pas s’en tenir « à la gestion d’un stock de vieux livres ».

La BNRM accueille vite les débats qui traversent la société. En mars 2015, c’est là, à titre d’exemple, que le plus grand débat concernant l’avortement a eu lieu, alors que le pays était traversé par une polémique à ce sujet. L’institution devient un des multiples lieux où s’opère la transition à la marocaine. « La transition démocratique marocaine n’est pas terminée. Ce qui a été fait, c’est de créer une armature institutionnelle. Et la BNRM, je crois, en est un des ingrédients », résume l’économiste.

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L’amazigh, un combat

Si on devait nommer une autre institution majeure du nouveau règne, ce serait sans doute l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), crée par dahir royal en 2001, chargé de la promotion de la culture et de la langue amazighe. Une institution que Khrouz intègre en 2007, comme administrateur.

« Il est connu pour sa très grande probité », éclaire Driss Ksikes, auteur et militant progressiste. Mais si Khrouz est missionné là, c’est aussi que la cause amazighe est chère à ce natif d’une petite ville berbère du sud, Gourrama. Son expérience à l’IRCAM lui vaut d’être appelé à diriger la commission appelée à plancher sur le projet de loi créant la Conseil national des langues et de la culture marocaine, prévue  par la nouvelle constitution de 2011.

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Cette année-là, Khrouz a salué les premiers manifestants marocains et le discours royal du 9 mars, annonçant une nouvelle Constitution. « Il y a eu de la maturité des deux côtés », résume-t-il aujourd’hui.

Il y a chez lui une loyauté partisane rare pour le Maroc

Fidèle à son parti

La cause de la culture amazighe, il l’a aussi défendu dans son parti, l’Union socialiste des forces populaires (USFP), pourtant longtemps peu ouvert à la question. Driss Khrouz y émarge depuis 1975. « Il y a chez lui une loyauté partisane rare pour le Maroc », remarque Ksikes. C’est aussi dans ce parti que le virus de la transition lui a été inoculé.

Dès 1992, alors que l’ancien roi Hassan II fait quelques timides pas vers l’ouverture, alors enseignant à l’université à Rabat, il intègre le Conseil nationale de la jeunesse et de l’avenir. Une promesse d’ouverture et l’ancêtre de l’actuel Conseil économique, social et environnemental (CESE), une de ces « institutions transitionnelles » chères à Khrouz.

Là, il oeuvre dans l’ombre de Habib El Malki, cadre socialiste. Pour la première fois, on parle de sujets comme la régionalisation, un chantier majeur du nouveau règne. Khrouz suivra El Malki au ministère de l’Éducation nationale dans le deuxième gouvernement du règne de Mohammed VI. Et de là, passera à la BNRM.

Et il continue d’inspirer : « Ce qui est impressionnant, c’est qu’il soit resté si fidèle à ses principes et à ses convictions », lâche Mehdi Alioua, sociologue et militant de gauche. Aujourd’hui, à Fès, Khrouz veut « continuer à faire sa part ». Pour lui, « le nouveau volet de la transition, c’est l’accès à la culture ».

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