Mœurs : la Tunisie en plein « bisougate »
Les réseaux sociaux s’émeuvent de la condamnation d’un couple, en Tunisie, pour des baisers publics présumés. Pudeur ou pudibonderie ? Professionnalisme ou abus caractérisé des forces de l’ordre ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 10 octobre 2017 Lecture : 2 minutes.
L’affaire est plutôt surréaliste. A la sortie d’une boîte de nuit tunisienne, un couple est interpellé dans un véhicule stationné le long de la route de Gammarth. Le 5 octobre dernier, le tribunal cantonal de Carthage condamne le Franco-Algérien à 4 mois et demi de prison ferme et la Tunisienne à 3 mois ferme, notamment pour « atteinte aux bonnes mœurs ». Les forces de l’ordre ont supputé un acte sexuel qu’ils préférerait voir déployé dans l’intimité d’une chambre. Évoquant une banale discussion, les condamnés nient, eux, le moindre contact physique. Inspirée par une déclaration de la mère du garçon, l’opinion retient le concept de baiser. Et les réseaux sociaux baptisent cette histoire « l’affaire du bisou »…
A l’intransigeance de la justice, face à une jeunesse en quête de nouvelles avancées sociétales, le web répond par une activation militantes des lèvres. Le vendredi 6 octobre est décrété « Journée du bisou ». Ce jour-là, si les embrassades solidaires ne font guère florès sur le net, certaines sont remarquées. Le député indépendant Raouf el-May rend public un cliché de lui embrassant sa femme. En précisant qu’il a renoncé, depuis quelques mois, à son immunité parlementaire, l’élu poste un commentaire formellement adressé au président de la République : « Dites-moi à quel poste de police je dois me rendre pour subir ma peine de prison ».
Le baiser, cause nationale ?
Les partisans de la sanction ont beau jeu de préciser que le délit ne se résume pas à l’« atteinte aux bonnes mœurs ». Les présumés tourtereaux sont aussi condamnés pour « refus d’obtempérer », l’homme ayant tardé à présenter son passeport. Ce dernier, Nessim Ouadi, paie également un « outrage à fonctionnaire public », manifestement pour avoir réclamé les noms et immatriculations des policiers, les avoir enjoints de « s’occuper des voleurs et des terroristes » et menacé d’en référer à l’ambassade de France. Son amie tunisienne écope également pour « état d’ébriété sur la voie publique », ébriété toute relative, après un verre et demi de bière avoué ; et une absence de test d’alcoolémie…
Selon certains observateurs, le « bisougate » trahirait la toute-puissance outrancière des forces de l’ordre tunisienne et le manque de rigueur de la justice. Pour d’autres, il témoigne de la pudibonderie du nord de l’Afrique. En 2013, c’est au Maroc qu’un adolescent et sa petite amie avaient été arrêtés par la police, pour avoir publié sur Facebook une photo les montrant en train de s’embrasser devant leur lycée. Au moment où le système de santé tunisien fait l’objet de critiques – n’ayant pas réussi, ce dimanche, à sauver le ministre de tutelle Slim Chaker–, il faudrait juste rappeler que les bécots sont très utiles pour le corps. Ils contribuent au nettoyage des dents par la surproduction de salive, ils sécrètent de l’endorphine, l’hormone du bien-être, et ils brûlent entre deux et six calories par minute, par l’activation de 30 muscles. Le baiser, cause nationale ?
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