Plainte contre Nicolas Sarkozy : la CPI prise au piège ?

Que peut bien espérer le Front international de la société civile panafricaine, quand il dépose une plainte contre un ancien président français ? Peut-être plus qu’une inculpation…

L’œil de Glez. © Glez / J.A.

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Publié le 13 octobre 2017 Lecture : 2 minutes.

Hasard de calendrier ou happening particulièrement bien orchestré ? Quelques heures après la publication, notamment sur le site de Mediapart, de révélations embarrassantes sur la Cour pénale internationale, un regroupement d’organisations de la société civile mettait à l’épreuve l’institution porteuse – en théorie – de justice universelle. Ainsi, en même temps que la presse giflait la Cour, les associations lui mordaient le mollet. Réuni samedi à Bamako, le Front international de société civile panafricaine (FISPA) coalise une dizaine d’organisations maliennes ainsi que des associations des pays voisins, comme le « Balai Citoyen » du Burkina, « Y’en a marre » du Sénégal ou encore « Le Peuple n’en veut plus » de Guinée. La cible du jour n’était pas tel ou tel régime vermoulu du continent, mais cette Cour de La Haye que les Don Quichotte africains accusent d’afrophobie.

Pour ne pas nier que nombre d’inculpés africains sont largement indéfendables, la stratégie associative consiste à montrer que d’autres aussi infréquentables occidentaux ceux-là – ne sont pas inquiétés par le glaive de la CPI. Il fallait donc déposer une plainte contre l’ancien leader d’un pays du Nord, stratégie qui ne saurait totalement échouer, quelle qu’en soit l’issue. Si la plainte était suivie d’inculpation, il faudrait se réjouir de voir l’afrophobie lézardée. Si celle-ci devait être jugée irrecevable, les OSC seraient confortées dans leur campagne contre une afrophobie subitement « confirmée ». Comme l’a indiqué le parrain de la FISPA, Ticken Jah Fakoly, une absence de réaction de la CPI signifierait « qu’il y a des gens qui peuvent être arrêtés et des gens qui ne peuvent pas être arrêtés ».

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« Un règlement de compte personnel »

Il restait à trouver le présumé coupable pour déployer le test. Si la cible idéale fut longtemps l’ancien président américain George Bush, celui-ci ne convient guère à cette coalition afro-africaine. Le voilà donc aujourd’hui déclassé par un ancien chef d’État français dont le ressort du crime supposé serait de même nature : « un règlement de compte personnel ». Si la décision de Bush d’intervenir en Irak n’est peut-être pas étrangère à l’issue de la Guerre du Golfe menée par son père, les options militaires prises par Nicolas Sarkozy, vis-à-vis de la Libye, sont-elles indépendantes de son passif diplomatique et/ou financier avec Mouammar Khadafi ?

Une plainte officielle a donc été déposée, samedi à 4 heures 5 minutes sur le site internet de la cour pénale internationale pour « crime de guerre et crime contre l’humanité » en rapport avec l’intervention de 2011 qui a abouti à la mort du « Guide » libyen. En réalité, il ne s’agit pas que du décès spectaculaire d’une personnalité largement ambiguë, mais aussi de la déstabilisation durable de son pays et des conséquences sur la situation sécuritaire du Sahel. Pris au piège médiatique de cette plainte, la procureure de la CPI sera certainement gênée aux entournures. Immorale ou pas, l’opération « Harmattan » de 2011 brandissait la légitimité de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies et de l’opération « Unified Protector » de l’OTAN. Pas sûr que Nicolas Sarkozy devienne compagnon de cellule de Laurent Gbagbo. Lui aussi, pourtant, aurait un passif à purger…

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