Ouganda : vers l’annulation de la loi sur l’homosexualité ?
La Cour constitutionnelle ougandaise a entendu jeudi les arguments des avocats de l’État contre la requête de défenseurs des droits des homosexuels. Ces derniers réclament l’annulation d’une loi controversée, promulguée en février, qui durcit la répression de l’homosexualité.
L’Ouganda pourrait faire un pas en arrière dans sa politique répressive contre l’homosexualité… à contrecœur. La Cour constitutionnelle a entendu, le 31 juillet, les arguments des avocats de l’État contre la requête des défenseurs des droits des homosexuels, qui ont réclamé l’annulation de la loi réprimant l’homosexualité.
Les requérants avancent que la loi viole les droits constitutionnels à la vie privée, à la dignité, à ne pas être victime de discrimination et à ne pas être soumis des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ils ajoutent également qu’elle a été adoptée alors que le nombre de députés présents lors du vote était inférieur au quorum requis par la Constitution.
L’audience ajournée à vendredi
La Cour a décidé de se prononcer d’abord sur le quorum, avant de passer aux autres moyens, si nécessaire. Le 30 juillet, les représentants des dix requérants – huit individus et deux coalitions d’ONG – avaient présenté leurs arguments avant de laisser la parole jeudi au gouvernement ougandais. "Il n’y a pas de preuve concernant le quorum, a estimé jeudi l’avocate de l’État, Patricia Mutesa devant la Cour constitutionnelle à Kampala, les requérants n’ont pas prouvé l’absence de quorum, ce n’est pas à moi que pèse la charge de le prouver."
La Cour a ajourné l’audience à vendredi et devrait alors rendre sa décision sur cette question. Si elle juge qu’il n’y avait pas de quorum, la loi sera annulée. Sinon, la Cour passera à l’examen de l’éventuelle violation de droits constitutionnels.
L’un des requérants, Frank Mugisha, un des principaux militants de la cause homosexuelle en Ouganda et président de l’ONG Minorités sexuelles Ouganda (SMUG), s’est dit optimiste quant à l’annulation de la récente loi. "Je pense que nous pourrons avoir une bonne décision demain [vendredi 1e août] et si nous obtenons cette décision, alors c’est terminé et nous n’aurons plus qu’à fêter ça", a-t-il déclaré.
"Avortement judiciaire de la loi" ?
Si la loi est annulée, les relations homosexuelles resteront néanmoins illégales, en vertu d’un article du Code pénal de 1950, élaboré sous le régime colonial britannique, qui punit de la prison à vie les relations charnelles contre nature.
> > Lire aussi : Alice Nkom : "L’homosexualité n’est pas importée, c’est sa répression qui l’est !"
Après avoir dénoncé la veille un "avortement judiciaire de [la] loi, attribué aux pressions internationales sur l’Ouganda", le pasteur ougandais Martin Ssempa, pourfendeur radical de l’homosexualité, a dénoncé jeudi une affaire avançant à la vitesse de l’éclair. "C’est une tentative (…) de susciter une jurisprudence pour essayer de montrer [à Washington] que ‘hey, nous ne sommes pas si méchants avec l’homosexualité’", a-t-il ajouté, en référence aux sanctions américaines – dont des interdictions de visa – décidées mi-juin en réaction à cette loi infâme.
Selon les détracteurs de la loi, Yoweri Museveni l’avait promulguée essentiellement pour gagner le soutien populaire en vue de la présidentielle de 2016, qui marquera sa trentième année au pouvoir, dans un pays où l’homophobie, ouvertement relayée par les puissantes églises évangéliques, est largement répandue. Mais de nombreux partenaires de l’Ouganda ont suspendu leur aide au gouvernement ougandais depuis la promulgation de la nouvelle loi que le secrétaire d’État américain, John Kerry, avait comparée aux législations de l’Allemagne nazie et de l’Afrique du Sud de l’apartheid.
(Avec AFP)
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