Kenya : deux opposants tués dans des manifestations interdites

Deux manifestants ont été tués vendredi dans l’ouest du Kenya au cours d’affrontements avec la police, des centaines de personnes ayant bravé l’interdiction de manifester pour faire entendre leur voix en vue de la présidentielle du 26 octobre.

Des policiers kényans dispersent des manifestants à Nairobi, le 13 octobre 2017. © Tony Karumba/AFP

Des policiers kényans dispersent des manifestants à Nairobi, le 13 octobre 2017. © Tony Karumba/AFP

Publié le 14 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

À Bondo, la ville d’où est originaire le leader de l’opposition, Raila Odinga, des coups de feu ont été tirés pendant qu’une foule nombreuse défiait des policiers devant le poste de police local.

Deux personnes ont été tuées par balle, ont indiqué à l’AFP des témoins. Le responsable sécuritaire de la région, Wilson Njega, a confirmé les deux décès, indiquant qu’un rapport serait publié une fois que les circonstances exactes de leur mort seront connues.

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Certains témoins ont mis en cause la police. « Pourquoi tirent-ils sur des gens qui manifestent pacifiquement? Pourquoi ont-ils provoqué les gens en tirant? Maintenant ils ont tué deux personnes », a déclaré l’un d’entre eux, Wilfred Ojwang.

Ces décès sont les premiers depuis les violences qui avaient marqué les jours suivant les élections générales du 8 août, lesquelles avaient fait au moins 37 morts, dont 35 tués par la police, selon la Commission nationale kényane des droits de l’Homme (KNCHR).

Dans la ville de Kisumu, la troisième du pays, à 50 km à l’est de Bondo, 20 personnes ont été admises à l’hôpital Jaramogi Oginga Odinga avec de graves blessures. Quatre d’entre elles ont été blessées par balle, l’une, touchée au cou, étant dans un état critique, selon la directrice de l’établissement, Juliana Otieno.

A Kisumu également, l’un des fiefs de M. Odinga, plusieurs enfants d’une école ont été hospitalisés après des tirs par la police de gaz lacrymogène vendredi dans l’école Mt Carmel, dans le bidonville de Nyalenda. « Il y avait de la fumée de gaz lacrymogène partout dans l’école, et la police continuait à en tirer », a dénoncé un témoin, Mary Ochieng.

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Le climat politique est particulièrement tendu au Kenya depuis la décision le 1er septembre de la Cour suprême d’invalider la réélection du sortant Uhuru Kenyatta à la présidentielle du 8 août, face à M. Odinga.

Saisie par l’opposition, la Cour avait mis en avant des irrégularités dans la transmission des résultats et pointé du doigt la Commission électorale (IEBC) pour justifier cette décision, une première en Afrique, qui avait été saluée pour son courage à travers le monde.

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M. Odinga a annoncé mardi son retrait de la présidentielle du 26 octobre, arguant que l’IEBC n’avait pas entrepris sa refonte nécessaire pour organiser une élection crédible, dont l’éviction de certains de ses responsables.

L’opposant estime que son retrait implique l’annulation du scrutin et l’organisation d’un tout nouveau processus électoral. M. Kenyatta soutient que l’élection doit avoir lieu, avec ou sans son principal rival.

« Pas intimidés »

L’IEBC semble, elle, décidée à maintenir l’élection et assure que M. Odinga n’a pas encore formalisé son retrait. Le président Kenyatta a signé vendredi l’allocation d’un budget spécial de 12 milliards de shillings (98 millions d’euros) pour l’organisation du nouveau scrutin.

La coalition d’opposition Nasa a été rendue furieuse par la décision jeudi du gouvernement d’interdire les manifestations dans les centres d’affaires des trois principales villes du pays, Nairobi, Mombasa et Kisumu.

Le ministre de l’Intérieur, Fred Matiangi, avait justifié cette décision par « la menace claire, présente et imminente de troubles à l’ordre public », estimant que les précédentes manifestations avaient dégénéré en violences contre les forces de l’ordre et le public, et débouché sur des destructions de biens.

L’opposition, qui avait annoncé mercredi des rassemblements quotidiens à partir de la semaine prochaine en vue d’accentuer la pression sur la controversée IEBC, n’a cependant pas hésité à défier cet ordre.

A Kisumu, sur les rives du lac Victoria, où plusieurs personnes avaient été blessées mercredi lors d’une autre manifestation, selon un médecin local, les manifestants ont bloqué les rues principales, enflammant des piles de pneus. La police a utilisé du gaz lacrymogène et tiré des coups de feu pour les disperser.

A Mombasa, la deuxième agglomération du Kenya, sur la côte (est), la police a dispersé au gaz lacrymogène une foule qui tentait d’accéder au centre-ville.

A Nairobi, certains des principaux leaders de l’opposition ont tenté de mener une marche à travers la ville. Mais quand la police a commencé à recourir au gaz lacrymogène, les manifestants se sont dispersés.

Abandonnés par leurs soutiens, les leaders de Nasa ont dirigé un convoi de voitures sur l’une des principales artères de la ville. Ils ont ensuite renoncé, avant de se rassembler ailleurs pour une seconde tentative, qui s’est également terminée dans les fumées de gaz lacrymogène.

« Nous ne sommes pas intimidés », a cependant assuré James Orengo, l’un des principaux dirigeants de Nasa, dans une harangue annonciatrice de nouvelles manifestations dans les prochains jours.

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