Gervais Coulibaly : « Il est temps de mettre fin aux problèmes électoraux de la Côte d’Ivoire »
Le président de Cap Unir pour la démocratie et le développement (Cap-UDD) et ancien porte-parole de l’ex-président Laurent Gbagbo, Gervais Coulibaly, fera partie de la nouvelle Commission électorale indépendante (CEI). Il y représentera la Ligue des mouvements pour le progrès (LMP), une coalition de partis de l’opposition ivoirienne. Interview.
Depuis plusieurs mois, la composition de la CEI provoque d’intenses débats dans la classe politique ivoirienne. Le Front populaire ivoirien (FPI), principal parti d’opposition, ou le député PDCI, Konan Kouadio Bertin, dit KKB, la jugeant trop politique et déséquilibrée. Le 9 juillet dernier, une plateforme d’ONG ivoiriennes, Action pour la protection des droits de l’Homme (APDH), a également saisi la Cour africaine des droits de l’homme afin de pousser l’État à réviser la loi sur la réforme de la CEI.
À l’heure actuelle, 15 des 17 membres sont déjà nommés. Les deux restants devant l’être par le FPI et ses alliés de l’Alliance des forces démocratiques – une autre plateforme de partis d’opposition -, qui pour le moment ne pipent mot. Bien que membre de l’opposition, Gervais Coulibaly a, lui, décidé de participer à la CEI. Il a reçu Jeune Afrique, au siège de son parti, à Abidjan, pour expliquer les raisons de son choix. Interview.
Jeune Afrique : pourquoi avez-vous accepté de siéger à la CEI, alors même que celle-ci est sous le feu des critiques dans votre camp ?
Gervais Coulibaly : Non seulement j’ai accepté d’y siéger, mais je l’ai aussi demandé. J’ai expliqué à mes camarades de la LMP que je souhaitais y aller car la Côte d’Ivoire a toujours eu des problèmes au sortir de ses élections et qu’il est temps d’en finir. Est-ce par ce que ces dernières ont toujours été mal organisées ? Je n’en sais rien. En tous cas, il y a toujours eu un camp qui, au final, a refusé les résultats. Étant préfet de formation, je pense pouvoir apporter une certaine expertise afin que nous évitions à nouveau ce type de problème et les crises postélectorales qui en résultent.
Un choix dans lequel certains ne voient qu’opportunisme… Que leur répondez-vous ?
À vrai dire, je me fiche de ces commentaires. La vérité c’est que nous avons besoin d’élections apaisées dont les résultats respecteront la volonté de la population. Pour atteindre cet objectif, il faut que certains acceptent de mettre leurs ambitions personnelles entre parenthèses et que le pays puisse avancer. Ce que je fais en allant à la CEI.
J’ai été l’un des premiers à critiquer la CEI, à dire qu’elle était totalement déséquilibrée. Et je la critique toujours.
Que pensez-vous de la stratégie du FPI, qui maintient le suspense et n’a toujours pas nommé de représentant ?
Lorsque mes camarades du FPI prennent une décision, ils la prennent en connaissance de cause et par rapport à des objectifs précis. Ces objectifs, nous les partageons. Nous n’avons simplement pas les mêmes méthodes pour les atteindre. Je n’aime donc donc pas juger ces dernières tout autant que je n’aime pas qu’on juge les miennes. Avec le FPI, nous sommes de la même maison, j’appartiens juste à une chambre différente. Lorsque j’ai des choses à leur dire, je préfère aller les voir directement.
Que pensez-vous alors de cette nouvelle CEI ?
J’ai été l’un des premiers à la critiquer, à dire qu’elle était totalement déséquilibrée. Et je la critique toujours. Simplement, je suis réaliste. Si nous décidons de ne pas y siéger, est-ce que cela changera quelque chose ? Absolument pas. Il y a plus de cent cinquante partis politique en Côte d’Ivoire, on trouvera toujours des gens qui accepteront d’occuper les chaises vides des autres. Et les élections se dérouleront quand même, en donnant des résultats qui s’imposeront à tous. Au lieu de s’abstenir, je dis qu’il faut aller à l’intérieur et essayer d’apporter les correctifs nécessaires.
Par "déséquilibrée", qu’entendez-vous ?
Il y a 17 membres, dont un représentant du président de la République, 4 représentants des partis au pouvoir, 4 représentants de l’administration, 4 pour la société civile et 4 pour les partis de l’opposition. Un système des quatre quarts qui, pour rappel, n’était pas acquis dès le départ et qui a été obtenu après négociations avec certains membres de l’opposition. Mais la présence des 4 fonctionnaires, par exemple, est problématique, puisqu’ils travaillent eux aussi pour l’État. Dans quel état d’esprit seront-ils ? Je souhaitais pour ma part qu’ils n’aient pas le droit de vote, mais ils l’ont toujours…
L’opposition a demandé la présidence de la CEI et je suis candidat, effectivement.
Quels sont les points sur lesquels vous comptez mettre l’accent au sein de la CEI ?
Lors du scrutin présidentiel, en Côte d’Ivoire, chacun des candidats doit avoir un représentant dans chaque bureau de vote, et sur toute l’étendue du territoire. Ils ont aussi le droit à chaque fois, à un procès-verbal. Il faudra faire en sorte que cette règle soit respectée et que chacun des candidats ait la possibilité d’être représenté partout, s’il a assez de représentants bien sûr. C’est un point crucial, sur lequel il faudra être vigilent. D’autre part, il faut voir plus clair dans la carte des bureaux de vote, souvent à l’origine de nombreux problèmes. Il s’agira aussi de valider chacune des étapes du scrutin. Et je tiens à être là pour participer à toutes les délibérations et vérifications.
Youssouf Bakayoko, le président sortant est de nouveau pressenti pour diriger la CEI. Est-ce le bon choix ?
Ce n’est pas une affaire de personne. Je n’ai personnellement rien contre l’ancien président de la CEI, qui est un de mes aînés et avec lequel j’entretiens de très bonnes relations. Mais j’entends aussi les critiques qui disent que c’est un peu osé de le reconduire… Ne peut-on pas proposer un autre poste à l’ancien président, ailleurs, et donner le poste à quelqu’un d’autre, si cela peut apaiser les esprits ? Ce ne sont pas les cadres qui manquent !
Des cadres comme vous-même par exemple ?
L’opposition a demandé la présidence de la CEI et je suis candidat, effectivement. Étant donné le déséquilibre existant au sein de la CEI, le pouvoir ne risque rien de toutes les façons. Sur 17 membres, ils en ont déjà 9 acquis à leur cause ! De quoi ont-ils peur ? Nous donner la présidence serait même un geste d’élégance…
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Propos recueillis par Haby Niakaté
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