Sahara occidental : le procès de Gdeim Izik jugé équitable par des observateurs français

Dans un rapport présenté ce jeudi à Paris, la procédure n’a pas été entâchée d’irrégularités malgré sa forte charge politique. Un test pour la transparence de la justice marocaine.

Les forces de l’ordre marocaines démantèlent le camp de Gdeim Izik, près de Laâyoune, au Sahara occidental, le 8 novembre 2010. © AP/SIPA

Les forces de l’ordre marocaines démantèlent le camp de Gdeim Izik, près de Laâyoune, au Sahara occidental, le 8 novembre 2010. © AP/SIPA

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Publié le 19 octobre 2017 Lecture : 4 minutes.

« Les conditions d’un procès équitable ont été satisfaites tout au long d’une procédure difficile et marquée de nombreux incidents ». Telle est la conclusion d’un rapport de l’Association pour la promotion des libertés fondamentales (APLF), des observateurs français qui ont suivi l’emblématique procès de Gdeim Izik du 16 décembre 2016 au 18 juillet 2017.

Présenté à la presse ce jeudi 19 octobre à Paris, le rapport revient sur toutes les étapes de cette procédure en examinant la compétence de la Cour de Salé où s’est déroulée ce procès – le respect du droit international, les droits de la défense, des accusés ainsi que ceux de la partie civile. Les familles des victimes se sont en effet constituées partie civile pour demander dommage et intérêts.

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Au terme de ce feuilleton judiciaire qui aura duré six mois, 25 sahraouis, accusés d’avoir tué onze membres des forces de l’ordre marocaines en 2010, avaient été condamnés à des peines allant de deux ans de prison à la perpétuité.

« C’est un procès hors normes et qui a eu lieu dans une ambiance extrêmement tendu », témoigne Me Ariane Guignot, membre de ce collectif d’observateurs français. « Un voyage en pleine absurdie, ajoute-t-elle, et qui commence dès l’entrée du tribunal où des sit-in à répétition, que ce soit des familles des accusés ou de celles des victimes étaient organisés. »

« Ensuite, enchaîne-t-elle, il fallait passer par le cordon de sécurité mis en place par les Marocains et accéder à la fin à une salle agitée. » Et pour cause : lorsque les prévenus faisaient leur entrée, c’est en scandant des slogans politiques et en parlant bruyamment avec leurs familles qui étaient dans la salle. « À la fin de la journée, on était vidée par tant de tensions », rapporte Me Guignot.

Tentative de politiser le procès

Regroupée au sein l’APLF, association présidée par l’avocat Michel de Guillenchmidt, les observateurs français ont suivi toutes les audiences depuis leur démarrage jusqu’au délibéré le 18 juillet 2017. Leur mission : s’assurer que les accusés bénéficiaient de l’ensemble des garanties d’un procès équitable.

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À plusieurs reprises, les accusés avaient tenté de « placer le procès sur le terrain politique en faisant du statut du Sahara occidental l’objet central des débats », estiment les observateurs. Ils ont contesté la compétence territoriale de la Cour de Salé, estimant que le procès devait se tenir dans celle de Laâyoune, chef-lieu du Sahara occidental. Ils voulaient aussi étendre le droit applicable  au droit international humanitaire, particulièrement à la convention de Genève ratifiée par le Maroc, alors qu’il s’agissait d’un procès éminemment criminel.

Comme gage de transparence, les autorités marocaines ont ouvert la salle d’audience aux observateurs internationaux. La plupart des accusés sont défendus par des avocats étrangers, notamment français. « Au moment du procès, l’un de ces avocats a tourné le dos au juge en signe de provocation, notent le collectif d’observateurs, qui évoquent aussi le fait que « certains de ses collègues [ont] demandé à prendre la parole en français alors que la langue judiciaire du Maroc est l’arabe ».

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Retrait collectif de la défense

Le 16 mai dernier, les accusés et leur défense ont décidé de se retirer du procès, dénonçant un simulacre de justice. Mais, selon les auteurs du rapport de l’APLF, le procès a pu se poursuivre selon les règles malgré tout, le président de la Cour ayant nommé des avocats d’office qui ont assuré la défense des accusés.

Qu’en est-il des accusations de torture avancées par certains accusés ? Dans leur rapport, les observateurs français rapportent que, dès le début du procès, une expertise médicale a été ouverte sur ce sujet sur demande de la défense. Trois professeurs de l’hôpital Avicenne à Rabat se sont chargés d’expertiser les accusés. Ils ont conclu à « un très faible degré de concordance entre les moyens de torture allégués et les résultats des examens médicaux ».

L’expertise s’est déroulée selon les normes internationales, notamment le protocole d’Istanbul. Ce que conteste l’ONG chrétienne contre la torture et la peine de mort (ACAT), qui soutient les accusés. « Bien que le président de la Cour d’appel de Rabat ait finalement consenti à ce que certains des accusés soient soumis à des expertises médico-légales, ces dernières ne sont absolument pas conformes aux standards d’enquête détaillés par le Protocole d’Istanbul et servent d’alibi à la Cour pour qu’elle puisse une nouvelle fois se fonder sur les aveux que les accusés ont signés sous la torture », affirme notamment l’ACAT dans un communiqué.

Poursuivis pour « constitution de bandes criminelles et violences sur les forces de l’ordre ayant entraîné leur mort avec préméditation, mutilation de cadavres et complicité », les 25 sahraouis avaient déjà été condamné une première fois par le tribunal militaire.

Suite à une réforme de la justice militaire introduite par le Maroc en juillet 2015 – sur fond de protestations des ONG de droits de l’homme sur ce jugement d’exception -, Rabat a décidé de faire comparaître ces sahraouis devant une juridiction civile afin qu’ils soient rejugés.

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Dans le camp dévasté de Gdeim Izik, le 10 novembre. © Ho New/Reuters

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