Hafiz Adem, le Soudanais qui met des couleurs vives sur un sombre périple migratoire
Hafiz Adem, Soudanais de 26 ans arrivé en France en février 2017, publie un petit ouvrage illustré qui raconte son parcours migratoire, démarré à Kordofan, au Soudan, en février 2014. Un témoignage fort.
C’est un livre de dessins naïfs mais précis et dont il se dégage un réalisme particulier. Le Voyage de Hafiz El Sudani est un témoignage. Celui de Hafiz Adem, recueilli et traduit par une petite équipe de personnes engagées dans le soutien aux réfugiés à Paris, en France et qui ont rencontré Hafiz Adem en mars 2017. Déjà active dans la publication de récits de réfugiés, sous le nom de Collectif dessins sans-papiers, l’association a décidé de donner la plus large diffusion possible à celui du jeune Soudanais.
Le livre, 85 pages, trilingue (arabe, français et anglais), récit à la première personne, commence par le commencement : « Je m’appelle Hafiz Adem. Je suis né le 28 août 1990 à Aumkebish au Soudan. Ici, j’ai dessiné ma famille dans notre village de Am Rubesha, près de la ville de Wed Benda à l’ouest de Kordofan. »
Malgré les couleurs vives des dessins d’Adem, l’ouvrage est dépouillé. Sans stylistique, il révèle une simplicité désarmante.
Hafiz Adem présente son pays : les bombardements, le dirigeant, mais aussi le baobab de son village et les Monts Marrah, au Darfour. Le lecteur est pris par la main : « Là, j’ai dessiné un de mes endroits préférés au Soudan. »
Le style, direct, rappelle les histoires racontées aux autorités par les demandeurs d’asile : fourmillant de petits détails qui peuvent paraître anodins, unissant le destin personnel aux soubresauts géopolitiques.
Passage par la Libye
Adem déroule ensuite un drame qui débute en février 2014. L’arrestation de son frère, son arrestation, l’incarcération à la prison d’En Nahud, dans le désert, l’évasion… Et la migration. Une épopée qui passe par la Libye, où il travaille plus de deux ans. La guerre le remet sur la route.
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Ademn dans son récit, ne se départit pas d’un ton neutre qui souligne paradoxalement l’aspect tragique du témoignage. Il traverse la mer depuis Sabratha, est secouru à mi-parcours. Le reste du livre est consacré à la vie en France. Adem se fait plus précis et exprime son ressentit, livre ses impressions, toujours liés à sa condition particulière.
« Marine Le Pen, je l’ai dessinée en train de pleurer. On m’a expliqué que si elle devenait présidente, elle renverrait les migrants dans leurs pays. (…) Emmanuel Macron a promis qu’il réduirait les délais d’attente pour le dépôt des demandes d’asile. L’année dernière, il fallait attendre 6 mois pour avoir un premier rendez-vous à l’Ofpra (Office de Protection des Réfugiés), pour ceux qui comme moi, ont été forcés de déposer leurs empreintes en Italie. Depuis janvier 2017, les délais sont passés à 9 mois. »
Les empreintes digitales
De la Tour Eiffel à l’assistante sociale, il dépeint son monde. Un monde qui a pris les allures d’une lutte pour rester sur le territoire français et obtenir l’asile. Aujourd’hui, Hafiz Adem risque d’être renvoyé vers l’Italie. Il fait face à cette situation dite de « dublinage » que connaissent de nombreux migrants : il ne peut déposer sa demande d’asile en France. Les accords de Dublin II stipulent qu’il doit faire sa demande dans le pays européen où les autorités ont, pour la première fois, pris ses empreintes digitales. L’Italie dans son cas.
Pendant qu’ils nous tapaient, ils ont attrapé nos mains de force et les ont posées sur la machine qui scanne les doigts
Il raconte d’ailleurs le dépôt d’empreintes : « Quand on a posé les pieds en Italie, il y avait des policiers partout. (…) Ils nous ont conduit en bus dans un (…) bâtiment où ils nous ont forcés à donner nos empreintes. On leur disait qu’on ne voulait pas le faire et qu’on n’avait pas l’intention de rester en Italie. Ils nous ont répondu que le dépôt d’empreintes était obligatoire pour tous ceux qui arrivaient. On savait que si nos empreintes étaient enregistrées en Italie, on ne pourrait pas faire une demande d’asile dans un autre pays européen, et qu’on pourrait nous obliger à y retourner. Alors on a continué à refuser, et les policiers ont continué à insister. A la fin, on n’était plus qu’un groupe de six, et ils ont commencé à nous frapper avec des matraques électriques. Pendant qu’ils nous tapaient, ils ont attrapé nos mains de force et les ont posées sur la machine qui scanne les doigts. »
Aujourd’hui, la plus grande crainte de Hafiz Adem reste qu’un jour, les autorités d’un pays européen le renvoient vers le Soudan.
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