Centrafrique : « La fibre religieuse a été utilisée pour s’accaparer les richesses du sous-sol »
Trois figures religieuses de Centrafrique, le cardinal Dieudonné Nzapalainga, l’imam Oumar Kobine Layama, et le pasteur Nicolas Guérékoyaméné-Gbangou, dénoncent l’utilisation de la « fibre religieuse » attisée pour alimenter et expliquer le conflit qui mine la Centrafrique depuis 2013. Ils ont créé une « plateforme interreligieuse » dans le but de prouver que la coexistence entre chrétiens et musulmans est possible.
« La fibre religieuse a été utilisée seulement pour des fins politiques, pour des pillages, pour s’accaparer les richesses du sous-sol », a déclaré l’imam Oumar Kobine Layama, également président du Conseil islamique centrafricain. « Ce n’est pas un conflit religieux ! », a-t-il poursuivi, lors d’un entretien accordé à l’AFP.
Aux côtés du cardinal Dieudonné Nzapalainga et du pasteur Nicolas Guérékoyaméné-Gbangou, Oumar Kobine Layama a lancé une « plateforme interreligieuse » pour répondre aux violences qui n’ont cessé de secouer le pays depuis le renversement en 2013 du président François Bozizé par la coalition de l’ex-Séléka, affirmant défendre les musulmans, et la contre-offensive des milices anti-balaka, prétendant défendre les chrétiens.
La passivité de l’ONU dénoncée
Objectif de ces trois responsables religieux : prouver que la coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans est possible en Centrafrique et que la religion est instrumentalisée par les groupes armés. À Bangassou où des antibalaka ont déclenché en mai une nouvelle vague de violences, « chrétiens et musulmans sont ensemble dans le site de déplacés », a déclaré l’imam. « Si c’était vraiment une guerre de religions, seraient-ils au même endroit ? »
Lors de l’attaque de la ville en mai, le cardinal et l’évêque s’étaient interposés à la mosquée de la ville, où des musulmans s’étaient réfugiés, cernés par des anti-balaka. Selon l’imam, les Casques bleus « ont fait venir tous les musulmans dans la mosquée et les ont abandonnés. Si le cardinal et l’évêque n’étaient pas venus pour les protéger, qu’allaient-ils devenir ? Qui aurait été responsable ? »
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« On ne peut pas avoir un pays sans armée »
La plateforme, qui a reçu le prix des droits de l’Homme de l’ONU en 2015, juge sévèrement les récents propos d’un haut cadre des Nations Unies, selon qui il y aurait des « signes avant-coureurs » de génocide en Centrafrique.
« Quand le secrétaire général (de l’ONU) viendra, nous attirerons son attention à ce sujet. Quand il envoie des émissaires ici en RCA, il doit faire attention aux mots qu’ils utilisent. On ne peut pas balancer ça comme ça », a fustigé la pasteur. Une mise en garde que ce dernier aura peut-être l’occasion d’expliquer directement auprès du secrétaire général des Nations unies, attendu le 24 octobre en Centrafrique.
Ce dernier devra faire face aux accusations qui entachent l’action de la Minusca en Centrafrique, très critiquée pour sa passivité. « On ne peut pas avoir un pays sans armée », met en garde Mgr Nzapalainga, plaidant pour la formation des Forces armées centrafricaines. Et d’ajouter : « Certes, il y a eu des difficultés dans le passé, mais ce n’est pas une raison de mettre un embargo total [sur l’importation d’armes, instauré par l’ONU en 2013, NDLR]. Nous ne serons pas étonnés d’apprendre qu’il y a un Faca dans tel groupe armé dans le futur : il y a un ras-le-bol, et ce n’est pas bon. »
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