Le mariage des enfants est aussi une véritable entrave au développement
Du 23 au 25 octobre, l’ensemble des acteurs en lutte contre le mariage des jeunes filles en Afrique de l’Ouest et du Centre se réunissent à Dakar afin de traduire en actes les déclarations d’intention affichées au sein de l’UA.
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Jim Emerson
Jim Emerson est directeur régional de Save the Children pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Publié le 23 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.
Alors que la Journée de la fille a été célébrée le 11 octobre, cette année encore on estime à 15 millions le nombre de filles qui ont été mariées avant l’âge de 18 ans. À elles seules, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale abritent six des dix pays présentant le taux de prévalence le plus élevé. Si le mariage des enfants est reconnu comme une grave violation des droits de l’Homme et une forme grave d’abus, on sait moins qu’il constitue aussi une véritable entrave au développement, cette situation ayant un impact majeur sur l’accès des jeunes filles à l’éducation, à la santé et au bien-être. Pour celles qui ont eu la chance d’aller à l’école, le mariage marque, le plus souvent, l’interruption de leur scolarité.
Le choc psychologique que subissent ces enfants, qui ne sont nullement préparées à se marier si jeunes – parfois dès l’âge de 11 ou 12 ans –, s’accompagne trop souvent de complications sanitaires graves. Selon Graça Machel, « les jeunes filles de moins de 15 ans ont cinq fois plus de risques de mourir en couches qu’une jeune femme d’une vingtaine d’années ». Malgré les progrès enregistrés au cours des dernières années, l’Afrique occidentale et centrale figurent toujours en tête de la liste noire.
Lorsqu’une génération de filles n’a plus accès à l’école, ce n’est pas seulement son avenir qui est hypothéqué, mais celui d’une région tout entière. Au Nigeria, par exemple, la Banque mondiale estime le coût économique du mariage des enfants à 7,6 milliards de dollars par an, en perte de revenus et de productivité. Il faut aussi rappeler que des enfants sans éducation deviennent des « proies » faciles pour les mouvements extrémistes qui opèrent et recrutent massivement dans ces régions encore fragiles.
18 pays africains engagés contre le mariage des enfants
Depuis quelques années, la communauté internationale et les États africains ont fait preuve de volontarisme afin de mettre un terme à cette pratique. Un élan qui s’est notamment traduit par l’adoption d’une position commune des chefs d’État de l’Union africaine (UA). Lancée en 2015 par l’UA, une campagne visant à abolir le mariage des enfants a, depuis, été adoptée par 18 pays.
Au Burkina Faso, au Ghana ou encore au Nigeria, cela s’est traduit par la mise en œuvre de stratégies nationales. Et au Niger, le pays qui a le taux de prévalence le plus élevé au monde – trois filles sur quatre y sont mariées avant l’âge de 18 ans – les ministres en charge du Genre et de la Protection de l’enfance de la Cedeao ont adopté en octobre 2017 un Cadre stratégique pour le renforcement des systèmes nationaux de protection de l’enfance.
Force et de constater que les pays qui ont vraiment progressé sur cette question sont ceux qui ont su allier engagement politique et changements de comportement
Reste à confirmer que les déclarations de bonnes intentions seront suivies d’effets. Car force et de constater que les pays qui ont vraiment progressé sur cette question sont ceux qui ont su allier engagement politique et changements de comportement. Au premier rang des priorités, la nécessité que les pays concernés s’engagent à fixer à 18 ans l’âge minimum pour se marier, comme ils s’y sont engagés dans le cadre de l’Union africaine. Parallèlement, il est primordial de garantir à ces filles l’accès aux services-clés que sont l’éducation et la santé.
Des solutions existent et sont déjà en voie d’expérimentation. De nombreux acteurs traditionnels et religieux se sont ainsi engagés, au-delà de leurs croyances personnelles, à en finir avec le mariage des enfants. Au sud du Sénégal, dans la région burkinabè du Sahel ou encore à Diffa, au Niger, ils œuvrent au sein de leurs communautés pour offrir un nouveau départ à des jeunes filles promises en mariage. À nous de les accompagner dans cette voie.
C’est avec cet objectif que, pour la première fois en Afrique de l’Ouest et du Centre, l’ensemble des acteurs travaillant sur cette question se retrouvent à Dakar, du 23 au 25 octobre, sous le leadership du gouvernement du Sénégal, pour évoquer les causes et les conséquences du mariage des enfants, mais surtout pour y apporter des solutions. Y prennent part des ministres venus de vingt pays africains, des leaders communautaires et religieux, toutes obédiences confondues, mais aussi des jeunes et des groupes de femmes.
Gageons que cette rencontre décisive permettra d’accoucher d’une feuille de route régionale pour les prochaines années, contribuant ainsi à faire de la lutte contre le mariage des enfants une question politique transversale de premier plan.
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