Tunisie : les préservatifs jugés superflus par la Banque centrale

La Banque centrale de Tunisie a émis une proposition visant à réduire le coût des importations, dont le montant dépasserait les 10 millions de dinars. Elle a donc établi une liste de produits jugés superflus et dispensables, dont les préservatifs.

 © DR/ Fatma Ben Hamad pour JA

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Publié le 24 octobre 2017 Lecture : 2 minutes.

Pour freiner le déficit commercial de 11,5 milliards de dinars (3,95 milliard d’euros) sur les neuf premiers mois de l’année – la Banque centrale de Tunisie a décidé de mettre des freins à l’importation de quelque 500 produits non essentiels. La BCT a donc établi une liste de produits jugés superflus et dispensables, qu’elle a soumis aux banques tunisiennes. Elle n’interdit rien mais demande aux sociétés importatrices de provisionner dès la commande le montant des factures qui sera bloqué en banque. 

Un stock déjà au-dessous des besoins

Sur la liste de « produits de consommation non-essentiels » visés par la mesure, comme l’indique l’intitulé du document publié par la Banque centrale de Tunisie, figurent entre autres des fromages raffinés, des produits de beauté, mais aussi des gants en latex de ceux couramment utilisés par les chirurgiens, et des préservatifs. Problème, la Tunisie ne fabrique pas de préservatifs. Pire, le pays risque bientôt la pénurie de stock.

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Une décision tout sauf essentielle, estime le médecin Sami Ben Sassi, pour la bonne santé de ses concitoyens. Pour le gynécologue tunisois, la commercialisation des préservatifs est « déjà largement en dessous du nécessaire » de ce dont aurait besoin la population.

Cette décision est tout simplement scandaleuse et incompréhensible

« Il ne faut absolument pas toucher à la commercialisation de ces produits relatifs à la santé. Il y certaines marques subventionnées par l’État et d’autres pas. L’État ne devrait pas, pour les unes comme les autres, freiner leur commercialisation », insiste le médecin.

Crainte de pénurie

Les associations se sont indignées du fait que la BCT considère le préservatif comme étant non prioritaires. « Cette décision est tout simplement scandaleuse et incompréhensible », s’indigne Baadr Baadou, dirigeant de Damj, qui milite pour la reconnaissance des droits LGBT.

« Il reste encore de ces préservatifs, mais avec l’arrêt des importations ou au moins leur diminution, il y aura une pénurie de préservatifs dans quelques mois. Comment oser dire ensuite que les préservatifs sont des produits « non essentiels  » ! » s’insurge l’association.

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La décision de la BCT devrait conduire à une augmentation du prix des préservatifs dans les pharmacies – ils ne sont quasiment pas disponible dans les supermarchés – et donc en réduire l’utilisation. Aujourd’hui, il existe des préservatifs subventionnés par l’État, qui coûtent 300 millimes l’unité, mais sont peu connus des tunisiens, et ils sont peu mis en valeur en pharmacie.

« En pharmacie, déjà, le paquet de préservatifs « de marque » est assez cher pour un Tunisien au revenu moyen (à 3 dt l’unité). Avec ce genre d’initiative, les Tunisiens – qui sont peu sensibilisés à la prévention des maladies sexuellement transmissibles – vont tout simplement renoncer à la protection. Le rapport sexuel coûtera cher en Tunisie », prévient Sami Ben Sassi. « Cela augmentera forcément la propagation des IST et des grossesses non-désirées, surtout parmi les populations qui ne sont pas averties des risques. »

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L’association ATL MST/Sida estimait fin 2015 à 1547 le nombre de séropositifs en Tunisie, avec une progression d’environ 120 à 150 nouveaux cas par an. L’Office national de la famille et de la population chiffre à 16 000 le nombre d’IVG clandestines par an, qui pourraient être évitées avec le port du préservatif.

Devant une économie en chute libre depuis 2011, les gouvernements tunisiens se succèdent sans parvenir à redresser ce lourd héritage de leur prédécesseurs. Celui de Youssef Chahed est bien décidé à y faire face, de façon radicale, et quel que soit le prix.

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