Retour de Soro en Côte d’Ivoire : reculer pour mieux rugir

Rentré dimanche soir en Côte d’Ivoire après plus de deux mois d’absence, le président de l’Assemblée nationale s’est affiché en partisan du dialogue. Focus sur un retour très préparé.

Guillaume Soro à Abidjan en décembre 2010. © Schalk van Zuydam/AP/SIPA

Guillaume Soro à Abidjan en décembre 2010. © Schalk van Zuydam/AP/SIPA

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  • André Silver Konan

    Journaliste et éditorialiste ivoirien, collaborateur de Jeune Afrique depuis Abidjan.

Publié le 24 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

Guillaume Soro à Abidjan en décembre 2010. © Schalk van Zuydam/AP/SIPA
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Côte d’Ivoire : sur qui Soro peut-il compter ?

Guillaume Soro est au centre de toutes les attentions médiatiques et politiques en Côte d’Ivoire. Jeune Afrique fait le point sur ses réseaux dans le secteur politique, mais aussi parmi les acteurs économiques et dans l’armée.

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Tout avait été mis en œuvre par la galaxie Soro pour transformer la fin des pérégrinations estivales européennes du président de l’Assemblée nationale (PAN) ivoirienne en retour triomphal au pays : recrutement d’« applaudisseurs » aux abords de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, communiqué annonçant son retour, articles démentant ce même retour, puis l’annonçant à nouveau, informations opportunément éventées dans la presse à propos d’un curieux vol survenu au domicile de Soro à Yamoussoukro…

En face, à l’inverse, tout a été mis en œuvre par le pouvoir pour faire de ce retour un échec cuisant : dispositif de sécurité afin de filtrer l’entrée de l’aéroport, brève interpellation, la veille, à l’aéroport, d’un proche du PAN, rumeurs sur l’affectation de plusieurs membres du Groupement de sécurité du président de l’Assemblée nationale (GSPAN, une sorte de garde prétorienne qui lui était restée fidèle depuis les années de rébellion et qui a été opportunément reversée dans les Forces armées de Côte d’Ivoire)…

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La stratégie de l’absent

En définitive, Guillaume Soro a bien effectué son retour, dimanche 22 octobre, après plus de deux mois hors du pays. Un retour sans gloire, certes mais qui ne représente ni un échec ni, a fortiori, une débâcle. L’ex-chef de la rébellion ivoirienne sait mieux que quiconque en Côte d’Ivoire adapter sa stratégie afin d’atteindre ses objectifs – Laurent Gbagbo en sait quelque chose.

En choisissant de boycotter le congrès du Rassemblement des républicains (RDR), Guillaume Soro a su peser sur la décision d’Alassane Ouattara, qui a finalement renoncé à reprendre la présidence du parti présidentiel. Ce dernier avait pourtant tout orchestré pour en redevenir le numéro un.

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En confiant les rênes du RDR à Henriette Dagri-Diabaté, réputée modérée, plutôt qu’à Amadou Gon Coulibaly, son dauphin putatif, Ouattara a brisé l’élan belliciste de la « Sorosphère », laquelle avait affûté ses armes, prête à en découdre.

Sous la pression politique et judiciaire, Soro a décidé de rentrer dans le rang

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Par ailleurs, la rencontre entre le président ivoirien et Fatou Bensouda, la procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI), et l’inculpation de Souleymane Kamaraté Koné (dit Soul To Soul) dans la ténébreuse affaire de la cache d’armes de Bouaké ont probablement contribué à adoucir l’ancien rebelle de 45 ans.

Soro a besoin de rester en Côte d’Ivoire

Les nostalgiques de la rébellion des Forces nouvelles, tout comme les boutefeux du pouvoir d’Abidjan, devront donc patienter. La guerre aura lieu, c’est presque sûr, mais elle n’est pas pour maintenant.

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Pour l’heure, sous la pression politique et judiciaire, Soro a décidé de rentrer dans le rang. Il se propose même, en toute humilité (feinte ?), d’aller rencontrer Alassane Ouattara. C’est sans rire et la main sur le cœur,  à son retour d’ « exil », qu’il a lâché ses premiers mots : « En ce qui concerne mes relations avec le président de la République, elles sont bonnes et je m’emploierai à ce qu’elles soient toujours bonnes. » Personne ne croit pourtant à cette profession de foi, à commencer par lui-même.

Soro n’est pas dupe. Il ne veut pas être le Hama Amadou ivoirien, condamné à rester en exil en France. L’opposant nigérien avait contribué à l’élection de Mahamadou Issoufou en 2011, avant que leurs chemins ne se séparent avant la présidentielle de 2016. Comme Soro, il avait été président de l’Assemblée nationale. Comme Soro, il avait été Premier ministre à deux reprises.

Guillaume Soro sait que, pour être le Roch Marc Christian Kaboré ivoirien, il a besoin de rester en Côte d’Ivoire, de maintenir les contacts avec le parti présidentiel et ses militants, mais, surtout, de surfer sur le mécontentement d’une frange de la population de plus en plus frustrée par la mauvaise répartition des fruits de la croissance et par la corruption des élites. Guillaume Soro coulé ? Absolument pas. Il a juste reculé… pour mieux rugir !

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