Football – Rabah Madjer, sélectionneur des Verts : « Je suis victime d’une campagne de déstabilisation »
Rabah Madjer est de retour sur le banc de l’Algérie, après une dernière expérience achevée en 2002. Alors que les Fennecs traversent une période très compliquée, l’ancien Ballon d’Or africain (1987) doit affronter de violentes attaques. Avant un match face au Nigeria, le 10 novembre, leur nouveau sélectionneur a répondu à Jeune Afrique.
Rabah Madjer a pris ses fonctions de sélectionneur de l’équipe nationale algérienne le 19 octobre. Depuis l’annonce de sa nomination, des doutes s’expriment sur les capacités de l’ancien international algérien à conduire une équipe actuellement plongée dans une crise qui dure depuis plusieurs mois. « Le métier d’entraîneur, c’est compliqué. On peut légitimement se poser la question de savoir si Madjer connaît vraiment bien l’Afrique d’aujourd’hui », glissait ainsi tout récemment à Jeune Afrique Nasser Sandjak, ancien sélectionneur national en 2000 et également passé sur le banc de la JS Kabylie (2003 et 2012) et le MO Bejaïa (2016).
Le principal intéressé, à quelques jours du match face au Nigeria qui doit se tenir à Constantine le 10 novembre, a longuement répondu à Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Étiez-vous candidat au poste de sélectionneur de l’Algérie ?
Rabah Madjer : Non. Il n’y a pas eu de candidature. Kheireddine Zetchi, le président de la Fédération algérienne de football (FAF) m’a contacté. Puis, je l’ai rencontré à Sidi Moussa (le centre technique du football algérien, ndlr). Nous avons longuement discuté, et il m’a dit : « Nous avons besoin de vous, et on vous fait confiance. » J’ai très vite accepté. La sélection nationale est dans une position difficile, inconfortable depuis plusieurs mois.
J’aurais pu refuser, bien sûr. Mais je suis Algérien, j’aime mon pays
Ce poste n’est pas un cadeau, en effet…
J’aurais pu refuser, bien sûr. Mais je suis Algérien, j’aime mon pays, j’ai envie que la sélection obtienne des résultats. J’ai dit oui à M. Zetchi et au Bureau fédéral.
Depuis votre nomination, vous êtes la cible de nombreuses attaques. Selon certains, votre nomination viendrait d’« en haut ». Des critiques qui s’appuient sur le fait que vous aviez soutenu Abdelaziz Bouteflika lors de sa dernière campagne, en 2014, avant l’élection présidentielle…
J’ai été nommé par la FAF. Mais si l’information faisant état d’une volonté des plus hauts responsables de mon pays de me voir à la tête de la sélection nationale se vérifie, sachez que j’en serais très fier ! Ce serait même un honneur !
Je crois qu’en Algérie, il se dit beaucoup de choses actuellement sur moi. La sélection nationale traverse une période difficile, et je pense que n’importe quelle nomination aurait été commentée. Mais depuis que j’ai été désigné, je suis victime d’une véritable campagne de déstabilisation. Et même de diffamation.
Savez-vous d’où viennent ces attaques ?
Bien sûr. Elles sont organisées par des personnes qui ne veulent pas que la sélection réussisse. Et m’attaquer est la chose la plus facile. C’est de la méchanceté gratuite. Il y a des gens qui se servent d’une certaine presse – je dis bien une certaine presse – et des réseaux sociaux pour m’attaquer sur tout. Ce sont des manipulateurs.
Vous comprendrez que je ne vous donnerai pas les noms des personnes qui sont derrière tout ça. Je ne veux pas répondre à leurs provocations autrement que par le silence.
Je pense que l’éviction de Rajevac en novembre 2016 était une erreur
En Algérie, la nomination d’un sélectionneur est toujours très commentée ; C’est le cas pour vous. Mais cela aurait été la même chose si la FAF avait choisi Djamel Belmadi, que certains auraient trouvé trop jeune et donc inexpérimentée, ou un étranger, en faisant référence aux derniers échecs de Gourcuff, Rajevac, Leekens et Alcaraz…
C’est possible ! C’est un poste très exposé, et comme les derniers résultats ne sont pas bons, il y a beaucoup de tensions autour de la sélection. Il y a eu beaucoup d’instabilité technique depuis 2014. Et on ne peut pas réussir comme ça !
Je pense que l’éviction de Rajevac en novembre 2016 après le match nul contre le Cameroun (1-1) en qualifications pour la Coupe du Monde 2018 était une erreur. C’est là que l’Algérie a été éliminée.
Ce que je veux, c’est que l’Algérie réussisse et atteigne ses objectifs. A commencer par battre le Nigeria, puis à se qualifier pour la CAN 2019. Je suis très fier d’avoir été choisi et de ressentir cette confiance autour de moi.
Oui, je suis attaqué par des journalistes, par des gens sur les réseaux sociaux. Mais je peux vous assurer que je ressens beaucoup de confiance de la part d’une majorité de l’opinion publique. Je le constate quand je sors dans la rue.
Parmi les autres polémiques soulevées par vos détracteurs, il y a celle concernant vos diplômes d’entraîneur, que vous ne posséderiez pas. Qu’avez-vous à leur répondre ?
Que j’ai un diplôme obtenu auprès de la FAF, un autre auprès du ministère de la Jeunesse et des Sports, et un dernier obtenu en France, à Clairefontaine, et signé par Aimé Jacquet.
J’ai aussi envie de de leur dire que mes meilleurs diplômes, ce sont les années passées à jouer au plus haut niveau. J’ai entraîné également à plusieurs reprises : l’Algérie et un club au Qatar (Al-Rayyan).
Lors de la conférence de presse qui a suivi ma nomination, j’avais dit que j’avais également « entraîné dans les studios », puisque depuis plus de dix ans, j’étais consultant pour plusieurs chaînes de télé. Je maintiens et j’assume ces paroles. Car je ne me suis jamais tenu éloigné du football, notamment grâce à cette activité de consultant.
J’ai un passé footballistique en tant que joueur et d’entraîneur. Ces riches expériences, je le ai renforcées avec cette expérience de consultant. Je n’ai donc rien perdu de mes connaissances, au contraire.
J’aurai pu demander davantage, mais on ne marchande pas avec son pays
Est-il exact que vous aurez un salaire inférieur à celui de Lucas Alcaraz (lequel percevait environ 60 000 € par mois) ?
Je ne vous révélerai pas mon salaire (25 000 €, selon certaines sources, NDLR), qui est inférieur à celui de mon prédécesseur. J’aurai pu demander davantage, mais on ne marchande pas avec son pays. J’ai une mission à mener. L’argent n’était pas la question essentielle, mais la réussite de la sélection, qui est la vitrine du football algérien.
Vous avez parfois critiqué les joueurs binationaux, que vous allez rencontrer à l’occasion du match face au Nigeria…
(Il coupe) J’ai pu émettre des critiques concernant le jeu, pas le fait qu’ils soient binationaux ! Il s’agissait de critiques constructives. Comme je l’ai toujours dit, la sélection appartient à tout le monde : aux locaux comme aux binationaux, avec qui j’aurai une discussion lors du prochain stage. Je compte sur tout le monde.
Et vous pourrez constater, quand je publierai la liste pour affronter le Nigeria, que je compte sur eux pour que cette sélection devienne une famille. Avec les joueurs, avec mes adjoints Djamel Menad et Meziane Ighil, qui sont d’anciens joueurs devenus entraîneurs et dont les compétences sont reconnues, avec Rabah saâdane, qui sera Directeur Technique National (DTN), mais aussi proche de l’équipe. Mais vous savez comme moi que je serai jugé sur les résultats. Et donc que ce match face au Nigeria est très important.
Contrairement à la Tunisie et au Maroc, l’Algérie joue très peu de matches amicaux. Allez-vous rectifier cette anomalie ?
Oui. C’est nécessaire de profiter des dates FIFA pour affronter d’autres sélections. Européennes, asiatiques, sud-américaines si c’est possible, mais en priorité africaines.
Je souhaite aussi organiser des stages avec les locaux le plus régulièrement possible, avec des matches amicaux. On a une mission difficile mais passionnante à relever. On va tout faire pour y arriver, et je demande à toutes les personnes qui aiment la sélection de ne pas prêter attention à tout ce qui se dit sur moi…
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