Exposition : bijoux touaregs et stéréotypes orientalistes au musée des Confluences à Lyon

Le Musée des Confluences, à Lyon, expose jusqu’en novembre 2018 une belle collection d’objets et bijoux touaregs. Et entend démonter les clichés liés à une culture méconnue.

« Les amis » de Harandane Dicko (Bamako, Mali – 2006). © Musée des Confluences de Lyon

« Les amis » de Harandane Dicko (Bamako, Mali – 2006). © Musée des Confluences de Lyon

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Publié le 27 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

Les clichés leur sont comme une seconde peau. L’imagerie, au fond, n’a guère changé depuis le temps où l’artiste français Paul-Elie Dubois peignait sa Femme noble du Hoggar et ses Deux hommes à dos de chameau. Les Touaregs – Kel Tagelmust, Kel Tamaceq – nourrissent au-delà des frontières qui ne les enferment pas un imaginaire et des a priori tenaces dominés par la fière silhouette de l’homme indigo émergeant d’entre les dunes.

Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un œil aux affiches de films ou aux images tournées par des journalistes occidentaux, et de les comparer à des productions plus anciennes, comme ces cartes Chromos Liebig de 1943 ou ces pin’s promotionnels du Paris-Dakar. À Lyon, le Musée des Confluences se propose donc très justement de déconstruire les stéréotypes et d’aller à la découverte d’une population nomade finalement méconnue.

Vue sur un campement, vers 1928 de Paul-Élie Dubois (1886 – 1949). © Musée de la Tour des Échevins, Luxeuil-les-Bains

Vue sur un campement, vers 1928 de Paul-Élie Dubois (1886 – 1949). © Musée de la Tour des Échevins, Luxeuil-les-Bains

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À l’origine de l’exposition Touaregs, qui se tient jusqu’au 4 novembre 2018 dans le musée au confluent de la Saône et du Rhône, une donation de 453 bijoux et amulettes, pour la plupart originaires du Niger – l’ensemble ayant été rassemblé par Jean Burner, président de l’association Masnat.

« Ce que l’on dit des Touaregs »

Dès ses premiers pas dans l’exposition, le visiteur se trouve confrontée à l’image fantasmée des Touaregs telle qu’elle a été véhiculée au cours des temps au-delà des cinq pays sur lesquels s’étend leur territoire : l’Algérie, la Libye, le Mali, le Niger, le Burkina Faso. Coupures de presse, livres, objets, peintures, extraits de journaux télévisés permettent de se faire une idée de « ce que l’on dit d’eux ».

Coupure de presse du Petit Journal "Un fait d'armes dans le Sahara français. © Jean-Marc Durou

Coupure de presse du Petit Journal "Un fait d'armes dans le Sahara français. © Jean-Marc Durou

Puis, peu à peu, le visiteur est immergé au cœur de la création touarègue par l’intermédiaire de la langue, de l’artisanat et de la musique, représentatifs d’une esthétique bien particulière. « Déclinée dans les bijoux, les objets artisanaux, mais aussi dans la poésie, cette esthétique se caractérise par sa sobriété, la symétrie et la géométrie des formes, l’usage d’un nombre restreint de couleurs ainsi que le mouvement, écrivent les organisateurs. Tout en perpétuant ces principes, les touaregs s’en affranchissent aussi aisément, pour en jouer à leur guise en se nourrissant des savoirs faire et des modes extérieures. » Croix, amulettes, colliers, boucles d’oreille, parures, clés de voile, piquets de tente déclinent en argent, cuir et bois une intense quête d’harmonie que l’on retrouve dans la poésie et la musique.

Inspiration pour les fabricants occidentaux

Pour autant, l’exposition ne s’enferme pas dans ce qui pourrait apparaître comme une esthétique figée, immuable, et offre quelques aperçus de ses évolutions contemporaines. L’adaptation à la demande touristique explique ainsi, en partie, la multiplication des formes de croix en argent – il y en aurait 21, telles que rassemblées dans un tableau populaire auprès des visiteurs étrangers. Le goût de l’or, nouveau, viendrait pour sa part des tendances actuelles en Europe et, surtout, dans le Golfe. Enfin, l’esthétique touarègue séduit des créateurs occidentaux, toujours avides d’exotisme, comme la maison Hermès (carré « Cuir du désert »), le bijoutier « éthique » Ombre Claire ou encore la marque de prêt-à-porter Cotélac, qui n’hésitent pas à en recycler les fondamentaux.

Parure, takaza noura (Niger, Agadez, Touaregs – 2017). © Musée des Confluences

Parure, takaza noura (Niger, Agadez, Touaregs – 2017). © Musée des Confluences

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Bonne introduction à un monde mal connu et, souvent, caricaturé, l’exposition ne permet pourtant pas d’aller au-delà d’une connaissance superficielle de la société touarègue contemporaine. Une mise en perspective approfondie des bouleversements politiques, économiques, voire environnementaux à l’oeuvre ces dernières années aurait sans doute permis d’aller beaucoup plus loin dans la déconstruction des clichés véhiculés par les médias.

Comme une plus vaste ouverture sur les créateurs contemporains – la musique touarègue ne se réduit pas au groupe Tinariwen ! – aurait sans doute permis de se débarrasser complètement des oripeaux de l’orientalisme.

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