Crise au Togo : comprendre le phénomène des « milices » en trois questions

Le Togo traverse une crise politique depuis un peu plus de deux mois, avec des manifestations quasi-hebdomadaires de l’opposition. Celles des 17 et 18 octobre ont fait apparaître de nouveaux acteurs dont l’existence inquiète la communauté internationale : les groupes d’auto-défense, communément appelés « milices ».

Une rue de Lomé lors de la manifestation du 18 octobre 2017. © DR

Une rue de Lomé lors de la manifestation du 18 octobre 2017. © DR

ProfilAuteur_EdmondDalmeida

Publié le 26 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

Ce phénomène est loin d’être inconnu dans les pays en crise sur le continent. Mais sa réapparition lors des manifestations des 17 et 18 octobre inquiète, au Togo et au-delà. Des hommes, armés en général de bâtons, parfois cagoulés, se sont positionnés en des points stratégiques de certains quartiers de la capitale. Ils se sont affrontés aux militants de l’opposition, les échauffourées faisant plusieurs blessés.

• « Groupes d’auto-défense » ou « milices » ?

En 2005, lors des violences survenues dans plusieurs villes du pays après le décès de l’ancien président Gnassingbé Eyadéma, des miliciens – jugés proches de l’opposition et du parti au pouvoir -, se sont livrés à des actes de violences. Douze ans plus tard, les miliciens qui ont fait leur apparition lors des dernières manifestations semblaient opérer au nez et à la barbe des forces de l’ordre.

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Ces individus, que l’opposition identifie comme des proches du parti au pouvoir – accusation catégoriquement rejetée par l’Union pour la République au pouvoir (Unir), qui soutient Faure Gnassingbé – sont issues pour la plupart de plusieurs quartiers de Lomé identifiés.

L’un d’entre eux, que nous avons rencontré, a tenté de justifier leur présence sur le terrain : « Il y a eu à Mango, à Sokodé et même à Lomé des destructions de biens publics, des lynchages à mort de forces de l’ordre en faction, des destructions et des pillages de domiciles de nos responsables », explique « JC », habitant le quartier de Adewui, faisant référence à des attaques sur des maisons de membres du parti au pouvoir.

« Les leaders de l’opposition n’ont jamais condamné ces agissements. Pendant deux mois nous avons laissé faire et ils sont venus nous provoquer dans nos quartiers, ils ont violenté des gens qui ne voulaient pas suivre leurs manifestations. Nous n’allons plus laisser ces gens quitter leurs quartiers pour venir investir les nôtres  », martèle ce membre de l’un des groupes qui a pris la rue lors des manifestations.

On peut donc dire que, si l’opposition qualifie ces groupes de « milices », eux-mêmes se définissent comme des « groupes d’auto-défense ».

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• Qu’en disent les acteurs politiques ?

Interpellé dès le 17 octobre sur la présence de ces « miliciens » dans certains quartiers de la capitale, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, tout en condamnant le phénomène, a expliqué qu’il s’agissait de « groupes constitués pour protéger leurs quartiers des actes de vandalisme de militants de l’opposition ».

« Ce sont des jeunes du quartier qui se sont organisés. A partir du moment où le 5 octobre, leurs épouses et leurs sœurs ont vu leurs étalages renversés, les poubelles renversées devant les maisons leurs femmes tabassées », a affirmé Yark Damehane. « Ceux qui posent des barricades, qui cassent des boutiques et tuent des forces de sécurité sont-ils aussi des miliciens ? », s’interroge par ailleurs le ministre, avant d’ajouter que « l’État mettra tout en œuvre pour éviter ce genre de situation ».

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« La force publique appartient à l’État. Les milices sont sources de guerres civiles », a pour sa part mis en garde l’opposant Gerry Taama (NET), après s’être retrouvé lui-même face à ces groupes.

• Comment réagit la communauté internationale ?

De nombreuses voix s’élèvent pour condamner l’existence de ces groupes dits d’autodéfense dans le pays. Le département d’État américain a, par la voix de son porte-parole, réagit le 24 octobre à la situation. « Nous sommes particulièrement préoccupés par les informations faisant état d’un recours excessif à la force par les forces de sécurité et signalons que des milices parrainées par le gouvernement utilisent la force et la menace de la force pour perturber les manifestations et intimider les civils », a notamment déclaré Heather Nauert, l’une des porte-parole du département d’État.

Une position reprise par la France, le lendemain, lors d’un point de presse du porte-parole du Quai d’Orsay : « Nous sommes préoccupés par les rapports sur la présence d’hommes en civil aux côtés des forces de l’ordre, pouvant s’apparenter à des milices », a ainsi déclaré Agnès Romatet-Espagne.

Du côté du gouvernement togolais, on s’étonne de cette « condamnation sélective qui ne prend en compte que les dernières violences alors que le pays connait depuis le 19 août des actes de vandalisme sans précédent », pour reprendre les termes de Payadowa Boukpessi, ministre de l’Administration territoriale.

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