Abandonner le mariage des enfants : un impératif humaniste et économique pour l’Afrique

Du 23 au 25 octobre s’est tenue à Dakar une réunion de haut niveau visant à insuffler un nouvel élan politique pour mettre fin au mariage d’enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre.

Des écolières achètent des sacs à main au Marché central de Bangui, le 17 mars 2014. © Sylvain CHERKAOUI pour Jeune Afrique

Des écolières achètent des sacs à main au Marché central de Bangui, le 17 mars 2014. © Sylvain CHERKAOUI pour Jeune Afrique

Ahmadou Ndiaye
  • Ahmadou Ndiaye

    Ahmadou Ndiaye est spécialiste des droits humains pour le think tank l’Afrique des Idées et consultant en développement international.

Publié le 27 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

Tribune. L’initiative, portée par une coalition d’organisations de la société civile et d’agences des Nations unies dont Save the Children et ONU Femmes, a été accueillie par l’État du Sénégal et l’Union africaine à un moment urgent. Parce que le mariage d’enfants – défini comme une union légale ou coutumière impliquant au moins un individu de moins de dix-huit ans – concerne plus de 700 millions de personnes dans le monde en 2015. En Afrique, ce sont 125 millions de femmes et de filles qui sont touchées par la pratique ; elles sont principalement pauvres et vivent en zone rurale.

Le mariage d’enfants est une violation grave des droits humains et une forme sévère d’abus sur les enfants qui hypothèque les agendas de développement mondial et africain en excluant une grande partie de la jeunesse.

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En Afrique de l’Ouest et du Centre, plus de 40% des filles sont mariées avant l’âge de dix-huit ans. La pratique est globalement déterminée par des facteurs multiples et reliés dont les normes sociétales, l’inégalité entre les sexes et la pression économique. En effet, le mariage à un jeune âge est valorisé dans beaucoup de sociétés qui relèguent encore les femmes à des rôles domestiques et reproducteurs. L’honneur des familles y est trop souvent lié à la virginité des filles ou l’absence de grossesses hors mariage. Le mariage précoce des filles peut ainsi constituer un moyen pour les parents de se décharger financièrement et d’étendre leur réseau de solidarité économique.

L’Afrique peut-elle développer et soutenir ses économies en excluant près de la moitié de sa population ?

Des spécificités culturelles et religieuses viennent évidemment renforcer ces déterminants mais il est important de souligner que le mariage d’enfants est aussi permis, dans des États de droit pour la plupart, grâce au cadre légal qui renferme des incohérences internes sur la définition de l’enfance et de la minorité sexuelle, en raison de l’existence de plusieurs sources du droit. Mais aussi une discrimination concernant l’âge minimum légal pour le mariage, la fille ayant souvent le droit de se marier plus tôt que le garçon. Faudrait-il y voir un paradoxe étant donné que les obligations conventionnelles de ces pays définissent pourtant clairement l’enfant et prohibent son mariage ; normalisent le droit à l’égalité et interdisent les discriminations basées sur le sexe ?

Le mariage d’enfants entrave non seulement les droits humains des filles à l’égalité et à l’enfance, c’est aussi une cause principale de la mortalité maternelle chez les 15-19 ans et du décrochage scolaire chez les filles. Le mariage d’enfants est un frein majeur aux objectifs de développement durable concernant la santé maternelle et l’éducation des filles. Par ailleurs, d’un point de vue économique, les filles se mariant précocement ont davantage d’enfants et présentent un niveau d’études relativement faible. Le mariage d’enfants agit donc négativement sur le pouvoir d’achat et les revenus. Ceci s’explique par le plus fort croît démographique rapporté au plus faible niveau d’éducation de la population.

L’Afrique peut-elle développer et soutenir ses économies en excluant près de la moitié de sa population ? La communauté internationale peut-elle relever le défi du développement durable à l’horizon 2030 sans s’attaquer systématiquement et durablement à la pratique néfaste du mariage d’enfants ? Autant de réflexions qui illustrent les liens d’interdépendance entre réalisation des droits humains et développement économique en Afrique.

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