Bénin : ce qu’il faut retenir du premier remaniement ministériel de Patrice Talon
Dix-huit mois après la formation de son premier gouvernement, le président Patrice Talon a procédé vendredi 27 octobre à son premier remaniement ministériel.
Le décret présidentiel pris après consultation du bureau du Parlement, consacre une équipe de 23 membres dont 4 femmes et un ministre d’État. Dans la foulée, le président a signé un second décret confirmant Pascal Koupaki au poste de secrétaire général de la présidence avec rang de ministre d’État. Les ministres du Développement, de la Justice, des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de l’Économie et des Finances, ainsi que nombre d’autres ministres ont gardé leurs fonctions au gouvernement.
Les trois ministres (Agriculture, Économie numérique et Enseignement primaire) de son ancien allié politique Sébastien Ajavon ont été sortis du gouvernement. Une éviction attendue au regard des fortes tensions entre les deux hommes d’affaires. Mêlé à une affaire de trafic de cocaïne en octobre 2016 – pour laquelle il a été relaxé « au bénéfice du doute » – il fait maintenant face à un redressement fiscal d’un montant colossal : 167 milliards de F CFA, soit plus de 254 millions d’euros.
Fortuné Alain Nouatin a été nommé ministre délégué auprès du président de la République, chargé de la Défense nationale, en remplacement de Candide Azannai qui a démissionné de son poste au début du mois d’avril dernier. Aurélie Zoumarou remplace Rafiatou Monrou à l’Économie numérique et à la Communication. Cyr Koty arrive aux Infrastructures et transports en remplacement de Hervé Hehomey limogé un mois et demi plus tôt par le président Talon pour n’avoir pas été un week-end au chevet des populations après une rupture de voie dans le nord du pays.
Frustrations
Attendus au gouvernement, plusieurs candidats de formations politiques alliées du président n’ont pas été retenus dans l’équipe actuelle. Selon un membre du bureau politique du Parti du Renouveau démocratique (PRD), « sept noms ont été soumis à l’appréciation du chef de l’État à la veille du remaniement mais un seul a été retenu ». Du côté de la Renaissance du Bénin (RB, deuxième plus grand parti politique du pays), la désolation est totale. Des quatre noms envoyés, aucun ne figure sur la liste du gouvernement. Sans compter le bloc de la majorité parlementaire (un groupe de 61 députés soutenant le président Patrice Talon) qui n’a pu voir un seul député entrer au gouvernement.
Une source proche de la présidence confie que le Patrice Talon s’est montré intraitable : il ne veut pas de député au gouvernement, de peur que ceux-ci consacrent davantage de temps à leur propre réélection qu’à leur mission ministérielle. Il n’est désormais pas exclu que l’opposition au régime en place surfe aujourd’hui sur les insatisfactions de ce remaniement ministériel.
Par ailleurs, la grande surprise du remaniement aura été la sortie déguisée du ministre d’État Pascal Irénée Koupaki, arrivé cinquième à l’issue du premier tour de la présidentielle de 2016. Dans un décret joint à celui portant composition du gouvernement, le ministre d’État sortant est nommé secrétaire général de la présidence de la République. Bien qu’il conserve son statut de ministre d’État, Pascal Irénée Koupaki ne fait de facto plus partie du gouvernement.
« Il va de soi qu’avec ce nouveau gouvernement le camps des insatisfaits s’agrandit et que les désillusionnés vont se faire désormais entendre du côté de l’opposition qui va avoir de nouveaux adhérents », explique Vitali Boton, chroniqueur politique.
En effet, les réformes économiques et institutionnelles contenues dans le Programme d’action du gouvernement (PAG) qu’essaie de mettre en place le président Talon depuis son accession au pouvoir, le 6 avril 2016, en vue d’impulser un réel développement économique et social au Bénin, buttent ces dernières semaines sur un mécontentement généralisé. Partis politiques réunis au sein de l’opposition et centrales syndicales dénoncent de nombreux conflits d’intérêts.
Ainsi, certaines organisations syndicales sectorielles (justice, éducation et santé) ont déjà décrété depuis plusieurs semaines des mouvements de protestation et des grèves d’avertissement, allant de 48 à 72 heures d’arrêt de travail.
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