Gabon : le port Owendo va-t-il rester en rade ?
Frappé par la crise de la quarantaine, le port se modernise à marche forcée. Mais il devra encore accélérer sa mue pour être en mesure de rivaliser avec ses voisins.
Ces futurs ports qui changeront la donne
Owendo a une nouvelle vigie. Le bâtiment flambant neuf de 30 mètres de hauteur, qui a coûté 1,4 milliard de F CFA (2,1 millions d’euros), domine le port situé à une quinzaine de kilomètres au sud de Libreville. « Grâce à cette infrastructure, nous suivons l’activité des bateaux à 800 m à la ronde », explique Rigobert Ikambouayat Ndeka, le directeur général de l’Office des ports et rades du Gabon (Oprag).
Opérationnelles depuis un an, trois grues mobiles, estimées à plus de 7 milliards de F CFA, ont également réduit le temps d’attente à moins de cinq jours (contre plus de sept jours auparavant), favorisant ainsi un gain de productivité de 75 %. Un scanner permet aussi depuis quelques mois d’examiner plus rapidement ce que recèlent les conteneurs. Et, à la demande de la compagnie minière Comilog, le terminal minier est agrandi pour exporter davantage de manganèse.
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Comme les autres plateformes gabonaises, Owendo avait donné quelques signes d’essoufflement, notamment à l’approche de la Coupe d’Afrique des nations de 2012. « Cela tient notamment au fait que l’Oprag est longtemps resté une autorité portuaire fragile en raison du transfert au privé de certaines prérogatives régaliennes », analyse Yann Alix, délégué général de la Fondation Sefacil. La reprise en main institutionnelle est en cours. Longtemps géré par la compagnie Portek (groupe Mitsui), le système informatique d’élaboration des factures et de suivi des cargaisons revient ainsi dans son giron.
Obsolètes
Faute d’investissements, les infrastructures et les équipements sont également devenus totalement obsolètes. Conçus au milieu des années 1970 pour accueillir des navires de 150 m, les trois quais sont inadaptés, à l’heure où des bâtiments de 200 m accostent sur la côte gabonaise.
La solution passe par l’aménagement d’un quatrième quai de deux fois 400 m. Lequel devrait lever en partie la contrainte du tirant d’eau – 7 m actuellement -, qui sera porté à 13 m de profondeur. Initialement prévu pour avril 2015, l’achèvement des travaux est néanmoins repoussé. Olam Gabon, chargé de la construction par l’intermédiaire de sa filiale Société de développement des ports (SDP), doit encore évaluer le coût de l’opération avec le gouvernement gabonais. Pourtant, le risque de congestion est réel. Le trafic de conteneurs s’élevait à plus de 130 000 équivalent vingt pieds (EVP) l’année écoulée, pour un terminal disposant d’une capacité annuelle de 120 000 EVP. Le trafic des marchandises à Owendo est par ailleurs passé de 5 millions de tonnes en 2010 à 6,2 millions de tonnes en 2013.
En outre, le port est desservi par un corridor terrestre Owendo-Libreville en mauvais état, qui accentue l’engorgement et demeure insuffisamment connecté au réseau routier national. « Le problème le plus critique reste celui des frais relatifs à l’acheminement terrestre des marchandises, y compris dans l’enceinte du port. Le déplacement d’un conteneur sur le site d’Owendo coûte toujours des centaines d’euros en moyenne aux opérateurs », soutient Yann Alix.
Électrochoc
Par ailleurs, la tarification pratiquée à Owendo provoque des pertes de recettes. « Les conteneurs restent facturés selon leur contenu, alors qu’ils devraient en principe l’être en fonction de leur mouvement [à la boîte] », indique Rigobert Ikambouayat Ndeka. Une commission tente actuellement de résoudre cet épineux problème.
Autant de défis à surmonter pour être compétitif sur une côte ouest de l’Afrique où les chantiers se multiplient. « La transformation d’Owendo ne se fait pas au même rythme que celle de ses concurrents directs », estime Yann Alix, qui évoque la nécessité d’un électrochoc salutaire. D’autant que Kribi, au Cameroun, et Pointe-Noire, au Congo, ses rivaux les plus sérieux, cumulent en théorie de nombreux atouts. Le port congolais a presque achevé sa mue et se positionne comme la principale voie d’accès au bassin du Congo et à une plateforme de transbordement par laquelle passe l’essentiel des marchandises en direction de Matadi (RD Congo). En entrant en exploitation dans les prochains mois, le port en eau profonde du sud du Cameroun, quant à lui, bénéficiera de son hinterland naturel que constituent le Tchad, la Centrafrique et, dans une moindre mesure, le septentrion congolais. À la condition de se connecter à un réseau routier et ferroviaire fiable, ce qui, pour le moment, est loin d’être le cas.
De moindre capacité que ses concurrents, Owendo souffre également de l’exiguïté de son arrière-pays. « Son unique chance réside dans l’amélioration de l’interface portuaire puis dans l’existence d’un réseau routier national performant, qui permettrait, par exemple, de drainer rapidement le bois du bassin du Congo, souligne Yann Alix. Le premier point nécessite d’enclencher une synergie entre les acteurs publics et privés, à l’instar de ce qui s’effectue à Pointe-Noire. L’Oprag devrait prendre l’initiative d’une telle dynamique. »
Le diagnostic a été une nouvelle fois posé il y a quelques mois lors d’une conférence, mais pour l’heure, c’est le calme plat dans l’estuaire. Avant la tempête ?
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