Jean-Claude Mokeni : « Les élections, c’est le vrai troisième dialogue attendu en RDC »

Tête-à-tête entre Nikki Haley et Joseph Kabila, processus électoral en panne, rapports avec les pays voisins… Jean-Claude Mokeni, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat congolais, revient pour Jeune Afrique sur les derniers rebondissements politiques en RDC.

Jean-Claude Mokeni, sénateur congolais et cadre de la Majorité présidentielle en RDC. © Trésor Kibangula/J.A.

Jean-Claude Mokeni, sénateur congolais et cadre de la Majorité présidentielle en RDC. © Trésor Kibangula/J.A.

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Publié le 3 novembre 2017 Lecture : 5 minutes.

Qui a dit des métis qu’il ne s’en trouvait que dans le camp anti-Kabila ? Cadre de la première heure du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), formation politique du chef de l’État congolais, Jean-Claude Mokeni, 46 ans, fourbit toujours ses armes pour le camp au pouvoir. Fils de métis, il refuse toutefois de montrer qu’il a été touché par la récente polémique sur une prétendue « République des métis » déclenchée dans le pays après les propos d’un conseiller du président de la République au quotidien français Le Monde. « Nous ne sommes plus à l’époque de la ségrégation ou de l’apartheid pour arguer du fait d’appartenance à une race pour disqualifier les uns et les autres à pouvoir briguer un poste », lâche tout de même le sénateur du Bas-Uélé, dans le nord-est de la RDC.

Depuis 10 ans, Jean-Claude Mokeni préside la commission des Affaires étrangères du Sénat congolais où, affirme-t-il, il n’a cessé de faire « la promotion de l’émergence des organisations régionales et sous-régionales » dans la recherche des solutions aux crises du continent. Une démarche qu’a fait sienne Léonard She Okitundu, ancien membre de ladite commission, dès sa nomination à la tête de la diplomatie congolaise. Si la stratégie paraît payante en Afrique, elle n’infléchit guère les positions des autres partenaires non africains de la RDC. En témoignent notamment les propos musclés envers Kinshasa tenus régulièrement par Nikki Haley, représentante américaine aux Nations unies.

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Jeune Afrique : Rien n’a filtré des deux heures de tête-à-tête entre la diplomate américaine Nikki Haley et le président congolais Joseph Kabila fin octobre à Kinshasa. L’envoyée spéciale de Donald Trump a tout de même martelé que les élections doivent se tenir en 2018. Comment avez-vous reçu, au sein de la Majorité présidentielle (MP), cette déclaration ?

Jean-Claude Mokeni : À ce jour il n’y a eu aucun communiqué sanctionnant quelque point que ce soit de la visite de Nikki Haley en RDC. Les médias ne font que reprendre ses propos tenus à la sortie de son entretien avec les membres de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Mais il faut savoir que, dans le langage électoral, organiser les élections en 2018 ne veut pas dire tenir les scrutins en 2018. Car organiser les élections implique les opérations électorales : la publication des listes électorales, le dépôt des candidatures… Un calendrier électoral va bientôt après publié dans ce sens. Et chez nous, l’organisation des élections, ce n’est pas une compétence du président de la République mais celle de la Ceni.

Nous allons tenir un grand congrès qui va désigner notre candidat à la présidence de la République

En l’état actuel de la Constitution, Joseph Kabila ne peut pas se représenter. Sa famille politique a-t-elle enfin trouvé son candidat à la présidentielle à quelques jours de la publication du calendrier électoral ?

Nous sommes prêts. Depuis janvier, la MP a lancé sa centrale électorale. C’est un message destiné à ses membres mais aussi à la population pour qu’ils se préparent aux élections. Dès que les dates seront connues, nous tiendrons un grand congrès qui désignera notre candidat président de la République. Mais avant la publication du calendrier électoral, il est prématuré que la MP puisse commencer à convoquer le congrès. Ce serait mettre la charrue avant les bœufs.

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En attendant, comment se sent-on dans la peau d’un sénateur toujours en place alors que son mandat a expiré depuis plus de six ans ?

Nuance : mon mandat n’a pas expiré, il est arrivé à terme avec la législature de 2011 qui devait connaître logiquement des élections au niveau local, municipal et provincial pour renouveler le Sénat. Malheureusement, suite à des problèmes de contestation du système électoral de 2011, nous sommes toujours en train d’exercer notre mandat légitime en attendant que les élections puissent être organisées au niveau provincial afin de pouvoir élire de nouveaux sénateurs.

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S’il faut organiser les élections au-delà de 2017, il faudrait passer par une « transition sans Kabila », réclament certains. Que répondez-vous à cette exigence commune du Rassemblement de l’opposition et de plusieurs mouvements citoyens congolais ?

L’opposition congolaise détient le plus grand ministère qui n’est pas au gouvernement : celui de la parole. Elle peut dire ce qu’elle pense. Nous sommes en démocratie. Celle-ci est bipolaire entre une majorité et une opposition : quand l’une s’exprime, l’autre peut la contredire.

Pas de place pour des acteurs qui rêvent de devenir président de transition

À Kinshasa, certains appellent à de nouvelles négociations pour sortir de la crise. Pour vous, un troisième dialogue est-il aujourd’hui envisageable ?

L’année dernière, je m’étais trompé en affirmant qu’il n’y aurait pas de deuxième dialogue après celui de la Cité de l’OUA. Car, sensible à l’unité du pays et à question de l’inclusivité, le président Kabila avait décidé de donner à la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) la possibilité d’organiser de nouveaux pourparlers. Mais en tant qu’acteur politique, j’estime que les élections, c’est le vrai troisième dialogue attendu dans le pays. Elles nous permettront d’avoir un nouveau président de la République élu et des institutions nouvelles. Pas de place pour des acteurs qui rêvent de nomination afin d’être désigné président d’une hypothétique transition ou membre d’une assemblée constituante alors que la Constitution reconnaît les institutions en place.

Sur le plan régional, les rapports de la RDC avec certains de ses voisins de l’Est demeurent compliqués, surtout en ce qui concerne le rapatriement des ex-rebelles congolais du Mouvement du 23-Mars (M23) qui ont trouvé refuge au Rwanda et en Ouganda…

Sur le plan factuel, nos rapports sont tout à fait cordiaux. Il y a eu plusieurs tripartites entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda sur cette question. Et l’accord-cadre d’Addis-Abeba assigne à chacun de nos États des droits et des devoirs. Maintenant il faut, lors de l’évaluation de la feuille de cet accord régional, que nous parvenions à relever le pays qui a rempli, ou pas, ses engagements.

Des voix se sont levées pour dénoncer la désignation de la RDC comme membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Comprenez-vous ces critiques ?

Ces critiques sont surtout le fruit d’une désinformation. Pour nous, cette élection de la RDC démontre que l’Afrique peut s’exprimer d’une seule voix. Parce que la candidature de la RDC a été soutenue par l’UA et ses 57 pays membres contre l’avis de certains États d’autres groupes continentaux. C’est une victoire de la diplomatie africaine et congolaise.

Elle signifie également que ce n’est pas parce qu’il y a des soupçons de violation des droits de l’homme dans un pays que ce dernier n’est pas éligible à ce poste. D’autant qu’élire un pays au Conseil des droits de l’homme permettrait au contraire à ce dernier de mieux appliquer les prescrits garantissant les libertés fondamentales de chacun et, peut-être, éviterait la contestation de certains rapports sur le pays.

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