Tunisie : l’attaque du Bardo relance le débat autour de la loi sur la répression des atteintes contre les forces armées
Le décès d’un agent de police à la suite d’une attaque terroriste au couteau le 1er novembre à Tunis a poussé dès le lendemain le président Béji Caïd Essebsi à appeler à un examen rapide d’un projet de loi contesté et déjà vieux de deux ans.
L’attaque terroriste de Tunis qui a visé deux agents de police mercredi 1er novembre, commise au couteau par un homme proche selon le ministère de l’Intérieur de l’idéologie jihadiste, a relancé le débat autour du projet de loi 25/2015 relatif à la répression des atteintes contre les forces armées. Le lendemain, Riadh Barrouta, une des deux victimes, est décédé de ses blessures au cou après une intervention chirurgicale.
Le 2 novembre, le président Béji Caïd Essebsi s’est entretenu avec le chef du gouvernement, Youssef Chahed, et a profité de l’occasion pour appeler à accélérer l’examen du projet de loi par les élus.
Ce dernier date de 2015, et a été mis en avant par les syndicats de police sous le gouvernement de Habib Essid. Et dans les rangs des forces de l’ordre, son adoption, ou du moins son examen, constitue depuis une demande récurrente. Fin juin 2017, le décès d’un agent des forces de l’ordre durant une intervention causée par des affrontements entre deux tribus à Sidi Bouzid avait déjà poussé des syndicats de policiers à exiger sa réintroduction.
Condamnation de l’outrage aux forces armées
La loi qui, selon le premier article de son projet, « vise à protéger les forces armées contre les atteintes qui menacent leur sécurité et leurs vies » permettrait notamment de condamner « l’outrage aux forces armées » d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de dix mille dinars. Pour ses soutiens, le texte est un outil pour soutenir des forces de l’ordre essoufflées et qui paient cher leur lutte contre le terrorisme. Pour ses détracteurs, ses zones de flou mettent en danger le respect des libertés et ses autres dispositions existent déjà dans le Code pénal.
Avec cette nouvelle attaque au Bardo, les représentants des agents de sécurité montent à nouveau au front. Trois syndicats, le SFDGUI, le SFDGSP et l’UNSFST ont signé un communiqué se plaignant du retard accusé dans l’examen du projet de loi. Les syndicats donnent quinze jours à l’Assemblée pour le présenter en plénière. Ils menacent d’un mouvement social mais aussi de ne plus assurer la protection des élus s’ils n’étaient pas écoutés. Suite à l’émission du communiqué, des centaines de policiers ont manifesté, parfois en uniforme, à Sfax, Bizerte et Gabès, au rythme de l’hymne national et de slogans de colère.
Les ONG montent au créneau
Mais le projet de loi a aussi ses détracteurs : plusieurs associations, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont exprimé leurs inquiétudes quant à un texte qui présente, selon elles, des risques d’atteintes aux libertés individuelles et politiques. Et ces dernières pointent du doigt que si par le passé, les parlementaires chargés d’étudier le texte ont auditionné des représentants des policiers, ils n’ont pas encore pris langue avec elles. Une militante de la campagne ‘Manich Msamah’ confiait à Jeune Afrique en juillet dernier que de nombreux militants de l’opposition étaient prêts à s’opposer à une telle loi.
L’attaque du Bardo a réveillé les syndicats de policiers et poussé le président lui-même à afficher son volontarisme. Les parties concernées par ce dossier guettent désormais la réaction des élus.
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