Après la Côte d’Ivoire, Hollande au Niger et au Tchad en mode treillis

François Hollande poursuit sa minitournée africaine par des visites à Niamey et à N’Djamena, vendredi et samedi. Après avoir esssentiellement parlé économie avec Alassane Ouattara, en Côte d’Ivoire, le président français va échanger sur les questions de coopération militaire et de lutte contre le terrorisme au Sahel avec ses homologues nigérien et tchadien.

François Hollande, Mahamadou Issoufou et Idriss Déby Itno. © AFP/Montage J.A.

François Hollande, Mahamadou Issoufou et Idriss Déby Itno. © AFP/Montage J.A.

Publié le 17 juillet 2014 Lecture : 4 minutes.

(Mis à jour le 17 juillet à 21h53)

En Côte d’Ivoire, où François Hollande a effectué sa première visite officielle le 17 juillet, il a surtout été question "business" et coopération. Place désormais à la guerre ou – selon le discours officiel ressassé depuis des mois – à la "lutte contre le terrorisme". En se rendant à Niamey ce vendredi et à Ndjamena samedi, le président français endosse le costume qui l’a révélé au continent africain : celui de chef des armées. "Nous n’en avons pas terminé avec la lutte contre le terrorisme, a-t-il répété à Abidjan. C’est le sens de mon voyage ici, au Niger et au Tchad."

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Dans les deux pays sahéliens, Hollande sera accompagné du ministre de la Défense qui est devenu par la force des choses le "ministre de l’Afrique", Jean-Yves Le Drian. Tous deux présenteront à leurs troupes ainsi qu’aux présidents Mahamadou Issoufou et Idriss Déby Itno le nouveau dispositif militaire français dans la bande sahélo-saharienne, baptisé "Barkhane". Ce dispositif, qui mobilisera environ 3 000 hommes, n’est autre qu’une "reconfiguration" des opérations existantes, en Côte d’Ivoire ("Licorne"), au Mali ("Serval") et au Tchad ("Épervier").

Château fort

De par leur position géographique, et notamment leur proximité avec la Libye, nouveau château fort de l’internationale jihadiste, le Niger et le Tchad sont au centre de la nouvelle stratégie française. C’est de Niamey, où l’on compte officiellement près de 300 soldats, que décollent les drones qui survolent la zone, ainsi que des avions de renseignement Atlantique 2, des avions de transports et, parfois, des avions de chasse. Par ailleurs, des patrouilles mixtes (franco-nigériennes) opèrent depuis plusieurs semaines dans le nord du pays, aux frontières avec le Mali et la Libye, notamment dans la très stratégique passe de Salvador, fréquentée par les trafiquants et les jihadistes. "Avec le Niger, la coopération dans ce domaine est excellente", souffle-t-on dans l’entourage de Le Drian.

Le président Hollande n’a pas à intervenir dans les affaires politiques d’un pays souverain, indique un de ses collaborateurs.

Ce vendredi en début d’après-midi, Hollande et Le Drian doivent visiter la base aérienne (en cours d’agrandissement) et le centre de pilotage des drones. Auparavant, le président français se sera entretenu avec Issoufou dans le but, selon l’Élysée, "d’approfondir le dialogue stratégique". Un épisode "développement" est également prévu dans la journée, avec la signature de plusieurs conventions (montant : 75 millions d’euros). "Trop court, trop peu", se désolent des cadres du Parti socialiste qui s’inquiètent de voir la politique africaine de la France décidée au ministère de la Défense.

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Hollande évoquera-t-il avec Issoufou, un camarade membre de l’Internationale socialiste, la crise politique en gestation au Niger, et notamment les difficultés judiciaires imposées à la famille du principal opposant, Hama Amadou ? Certains, dans son entourage, le souhaitent. Pas tous : "Le président n’a pas à intervenir dans les affaires politiques d’un pays souverain", indique un de ses collaborateurs. Il est probable qu’il se plie à cette dernière injonction.

L’épine Areva

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Il est plus probable cependant qu’il soit question d’Areva. Olivier Wantz, le directeur général adjoint de la firme française qui exploite l’uranium nigérien et qui a signé avec Niamey un accord controversé en mai dernier, figure parmi les chefs d’entreprise qui accompagnent le président. Le président de Bolloré Africa Logistics, Dominique Lafont, devrait également être de la partie. Le groupe Bolloré est au cœur du projet de boucle ferroviaire Abidjan-Ouagadougou-Niamey-Cotonou.

À Ndjamena non plus, le président français ne devrait pas évoquer la situation politique du pays ave Déby Itno, mais un membre de sa délégation devrait recevoir des représentants de l’opposition. Si Hollande n’a pas les mêmes affinités avec Déby (qui voit plus souvent Le Drian) qu’avec Issoufou ou même Alassane Ouattara, il doit se plier à la realpolitik : le Tchad est aujourd’hui un partenaire indispensable dans la "lutte contre le terrorisme". Tellement indispensable qu’il est devenu, de l’aveu d’un proche du président, "intouchable".

Lors de leur entretien en tête-à-tête dans la matinée du 19 juillet, les deux hommes devrait parler "Barkhane", Libye, Mali (où le Tchad compte de nombreux soldats), Soudan et surtout Centrafrique. L’Élysée souhaite que Déby continue à "jouer un rôle politique" dans la crise qui secoue son voisin.

Hollande et sa délégation se rendront ensuite dans ce qui sera bientôt le cœur de l’opération "Barkhane" : la base militaire française baptisée "Kossei". C’est à N’Djamena en effet que sera installé l’état-major de l’opération, "très prochainement", précise-t-on à l’Élysée. L’effectif devrait ainsi passer de 950 à 1 250 hommes. C’est de là que décollent déjà les avions de chasse français vers le Sahel et les avions de renseignement français, américains et britanniques en direction du Nigeria, dans le cadre de la traque des lycéennes enlevées par Boko Haram.

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Rémi Carayol, envoyé spécial

La justice au cœur de l’entretien Hollande-Ouatarra

Lors de leur entretien, jeudi en milieu de journée, François Hollande et Alassane Ouattara ont abordé plusieurs sujets : le Mali, le Nigeria, la coopération économique, la situation politique mais aussi la justice. Selon des proches du président français, c’est Ouattara qui a abordé cette dernière question. Nous avons besoin d’aide, nous ne possédons que 600 juges, a-t-il dit en substance. Le président ivoirien a également demandé à la France d’aider à former les membres de la Commission électorale indépendante en vue des élections de 2015. Le cas des Français assassinés en Côte d’ivoire ces dernières années a également été évoqué, dont bien-sûr celui du journaliste Gui-André Kieffer. RC.

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