Togo : en attendant la présidentielle, le gouvernement persévère
À moins d’un an de la présidentielle togolaise, le climat politique est relativement serein. L’occasion pour le pouvoir de poursuivre les réformes et d’améliorer le quotidien des Togolais.
Togo : où va le pays ?
Évoquez devant un dirigeant togolais l’échéance présidentielle de 2015, il jurera, la main sur le coeur, qu’elle n’est pas une préoccupation pour le gouvernement. "La gestion du pays n’est pas liée à la préparation d’élections", balaie du revers de la main Arthème Ahoomey-Zunu, le Premier ministre. Pourtant, dans tout le Togo on ressent cette étrange fièvre qui saisit généralement un pays à l’approche d’un tel scrutin.
Et dans les allées du pouvoir, la température monte. Le 24 juin, à la surprise générale, le gouvernement a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi visant à rétablir la limitation du mandat du chef de l’État (un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois) et le retour à un scrutin uninominal à deux tours pour l’élection présidentielle. Personne ne s’y attendait. Pas même Jean-Pierre Fabre, le chef de file de l’opposition.
Il avait pourtant rencontré le chef de l’État, Faure Gnassingbé, en mars. Une première entre le vainqueur du scrutin de 2010 et son malheureux adversaire. Car, depuis qu’il a lancé son Alliance nationale pour le changement (ANC), née de l’éclatement, en 2010, de l’Union des forces du changement (UFC) de Gilchrist Olympio, son ancien mentor, Fabre avait en effet soigneusement évité de rencontrer le président, préférant les manifestations de rue au dialogue politique.
Mais, fort de son retour remarqué à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives de juillet 2013 – où son Collectif sauvons le Togo (CST), regroupant l’ANC et des dissidents de l’UFC, a remporté 19 sièges sur 91 -, le leader de l’opposition a changé de tactique.
Premier congrès de l’Unir
Escomptant que le président sortant sera probablement candidat à sa succession, Fabre lui a écrit pour lui arracher des garanties portant sur la tenue du scrutin. Convié au Palais, il lui a donc réclamé directement ce qu’il avait échoué à obtenir dans la rue : la mise en oeuvre des réformes institutionnelles et constitutionnelles prévues dans l’accord politique global signé en 2006, afin que les élections soient "équitables, transparentes et démocratiques".
Après avoir ouvert plusieurs dialogues avec l’opposition, qui n’ont abouti à rien, le pouvoir a donc présenté ses réformes. Pas sûr que les opposants s’attendaient à un tel coup d’accélérateur, encore moins à voir Faure Gnassingbé proposer une révision de la Constitution pour y consacrer l’alternance. Si le texte, débattu le 1er juillet, n’a finalement pas été adopté par les députés, à l’heure même où plusieurs chefs d’État du continent s’apprêtent à modifier leurs lois fondamentales pour s’accrocher quelques années de plus au pouvoir, l’initiative togolaise a été remarquée.
Surtout, le Palais a pris de court les opposants et marqué des points. Abasourdis, ces derniers ont été tentés de surenchérir pour reprendre la main et forcer le pouvoir à aller plus loin. D’où l’idée du CST d’appeler les Togolais à manifester, les 26, 27 et 28 juin, pour exiger l’organisation d’élections locales, ainsi que des réformes constitutionnelles et institutionnelles "consensuelles". Mais le mot d’ordre n’a pas mobilisé les foules autant qu’il y a un an. En accédant aux principales exigences de l’opposition, le pouvoir vient de lui enlever des arguments de campagne.
Pendant ce temps, les fines lames de l’Union pour la République (Unir) préparent le premier congrès du parti, créé par le chef de l’État en avril 2012 pour remplacer le Rassemblement du peuple togolais (RPT). Ils peaufinent notamment la déclaration de politique générale qui doit y être présentée. L’Unir sera-t-elle la machine à gagner qu’elle veut être pour le président sortant ?
Outre le fait que la date de ce premier congrès n’a pas encore été annoncée, l’ambiance dans les rangs du nouveau parti de la majorité est tendue. Les mauvais résultats obtenus à Lomé lors des législatives de juillet 2013 sont pris très au sérieux. Dans cette circonscription symbolique, l’Unir n’a obtenu que 2 sièges, tandis que 8 ont été remportés par le CST et 1 par la Coalition Arc-en-ciel.
Même si le parti au pouvoir a fini par obtenir la majorité absolue avec 62 sièges sur 91 à l’Assemblée nationale, dans la capitale, traditionnellement frondeuse et fief de l’opposition, "cette défiance, qui s’étend d’ailleurs à une majorité de la population urbaine, n’est pas bon signe, relève un universitaire. Le président doit renouveler son mandat pour acquérir une nouvelle légitimité et une crédibilité plus forte à l’extérieur".
Le chef de l’État et le Premier ministre s’emploient, dans leurs arbitrages, à refréner les ardeurs des "technos" du gouvernement. Avec l’impétuosité de la jeunesse, ces cadres estiment qu’on peut aller plus vite et plus loin dans les réformes structurelles et macroéconomiques.
Mise en place du compte unique du Trésor
Le premier dilemme porte sur le subventionnement des prix des produits pétroliers, que le gouvernement maintient en partie, en dépit des pressions du Fonds monétaire international (FMI). Si les prix de l’essence, du diesel et du gaz butane ont sensiblement augmenté depuis janvier, il n’est pas question de fermer totalement le robinet des subventions et de réduire à néant le pouvoir d’achat des plus vulnérables.
Les subventions ont été allégées (via la suppression de la structure des prix de certains éléments liés à la parafiscalité) et le litre d’essence sans plomb est passé à 655 F CFA (un peu moins de 1 euro), augmentant de 60 F CFA. Mais sans le coup de pouce de l’État, il serait à 750 F CFA. Le FMI demandait aussi une réforme des régies financières. Le gouvernement y a satisfait le 12 septembre 2012 en créant l’Office togolais des recettes (OTR).
Objectif : accroître notablement les recettes pour financer les dépenses indispensables à la construction des infrastructures et aux secteurs prioritaires (éducation, santé, agriculture, aménagement…) et rationaliser le recouvrement des impôts et taxes. Le Fonds pressait également le Togo de restaurer la qualité de la comptabilité publique et d’améliorer l’information financière. Le gouvernement y travaille. Il lui reste à accélérer la mise en place du compte unique du Trésor, avec l’aide de ses partenaires extérieurs.
Chez ces derniers et à Lomé, les efforts consentis suscitent beaucoup d’optimisme. Grâce à ces réformes, le Togo a atteint dès décembre 2010 le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Le FMI et la Banque mondiale ont donc allégé sa dette extérieure de plus de 80 %, soit 1,8 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros), et le Club de Paris leur a emboîté le pas, annulant 95 % de la dette togolaise (203 millions de dollars dans un cadre multilatéral et 404 millions sur la base d’accord bilatéraux).
Le pays a clos en 2011 le programme mené au titre de la facilité élargie de crédit avec le FMI, mais continue de travailler avec ce dernier sur ses réformes structurelles et espère conclure prochainement un nouvel accord avec le Fonds.
En attendant, le chef de l’État et le gouvernement s’activent sur des projets qu’ils espèrent stimulants pour l’économie. Outre la poursuite de l’assainissement du secteur bancaire "classique", focalisé sur la privatisation des banques à capitaux publics, le président a lancé, en janvier, le Fonds national de la finance inclusive (FNFI), un établissement à capitaux publics qui aura pour mission de rendre accessibles les services financiers aux populations généralement exclues des services financiers classiques.
C’est là l’un des plus grands défis que doit relever le chef de l’État : développer l’économie de proximité, redonner du pouvoir d’achat et permettre aux nombreux Togolais qui en souffrent de sortir de la pauvreté.
Jeunes sur le carreau
Le Togo n’est pas épargné par le fléau du chômage des jeunes, estimé à 8,1 %, ni par le sous-emploi, qui affecte 20,5 % de la population active. Un flux annuel de 3 500 jeunes de niveau scolaire supérieur ou en fin d’études secondaires sont en recherche d’emploi, alors que seuls 1 050 emplois qualifiés sont disponibles. L’inadéquation formation-emploi est la principale cause de cette catastrophe. Sur ces 3 500 jeunes en quête d’emploi, 2 450 sont diplômés (70 %) et ne trouvent pas de poste correspondant à leur qualification. La plupart d’entre eux finissent par accepter d’être "déclassés", c’est-à-dire sous-employés, le plus souvent dans le secteur informel.
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Georges Dougueli, envoyé spécial à Lomé
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