Afghanistan : impossible démocratie
Dans un pays toujours en proie à ses vieux démons tribaux et islamistes, l’instauration d’un régime à l’occidentale est une dangereuse illusion. Le récent scrutin présidentiel le confirme.
Éternelle victime ou mauvais perdant invétéré ? En 2009, il avait déclaré forfait pour le duel final de la précédente présidentielle. Le 7 juillet dernier, Abdullah Abdullah a refusé de reconnaître les résultats provisoires du second tour de scrutin. Après avoir frôlé la majorité absolue au premier round, il est en effet donné perdant face à Ashraf Ghani.
Celui-ci, qui a semble-t-il bénéficié d’une très forte augmentation de la participation, remporterait le jackpot avec 56,4 % des suffrages, contre 43,5 % à Abdullah, qui, bien sûr, dénonce des fraudes "massives" et hurle au "coup d’État". "Sans aucun doute, nous sommes les gagnants de l’élection", a-t-il tempêté, le lendemain, devant plusieurs milliers de ses partisans.
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Moins catégorique, Ghani a fait savoir qu’il accepterait le résultat "quel qu’il soit", après l’examen des plaintes. Les chiffres définitifs ne devraient pas être connus avant le 22 juillet. En théorie, car les tractations entre les chefs de partis, factions et ethnies diverses pourraient s’éterniser. Or ces prochaines semaines s’annoncent cruciales. Treize ans après l’opération de l’Otan qui chassa les talibans de Kaboul, les derniers des 50 000 soldats étrangers encore présents dans le pays devraient faire leurs valises.
Si le traité de coopération militaire (BSA) n’est pas signé par un nouveau président, quel qu’il soit, avant début septembre, l’Afghanistan sera de nouveau livré à ses vieux démons tribaux et islamistes. Hamid Karzaï, le chef de l’État sortant, s’était gardé de le faire, mais les deux candidats s’y sont engagés. La mise en oeuvre du BSA se traduirait par le maintien sur place en 2015 de 10 000 hommes. C’est sans doute le seul moyen de faire face aux talibans, qui multiplient les attaques depuis plusieurs mois.
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À la Maison Blanche, l’ambiance est fébrile. Barack Obama a toujours estimé que la guerre en Afghanistan était "bonne", contrairement à celle menée par son prédécesseur en Irak. "Toute action visant à prendre le pouvoir par des moyens illégaux coûterait à l’Afghanistan le soutien financier et sécuritaire des États-Unis et de la communauté internationale", a menacé John Kerry, le secrétaire d’État, avant son départ pour Kaboul, le 10 juillet.
Comme en Irak, où la mauvaise gouvernance conjuguée au retrait des troupes étrangères est en train de faire basculer le pays dans le camp des jihadistes, un combat des chefs entre Abdullah Abdullah, ex-conseiller d’Ahmad Shah Massoud, le leader tadjik assassiné en 2001, et Ashraf Ghani, favori de Hamid Karzaï et membre de la communauté pachtoune majoritaire, risquerait d’offrir à l’insurrection talibane l’occasion d’une éclatante revanche.
Seuls les talibans profitent de la confusion
Un conflit ethnique entre Tadjiks et Pachtouns est-il envisageable ? "Non, répond Karim Pakzad, de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), à Paris, Abdullah n’est pas le seul représentant des Tadjiks, comme Ghani n’est pas celui des Pachtouns. D’ailleurs, l’un des frères de Karzaï soutient Abdullah, tandis que celui de Massoud soutient Ghani.
La population, y compris tadjike, ne veut pas d’une guerre. Seuls, hélas, les talibans profitent de la confusion actuelle." Pour sortir de la crise, plusieurs scénarios sont envisagés, de la mise en place d’un gouvernement de coalition nationale à celle d’une équipe provisoire chargée de préparer de nouvelles élections, en passant par la prolongation du mandat de Karzaï. "L’Afghanistan ne sera pas prêt pour la démocratie tant que la culture démocratique restera étrangère à ses dirigeants, commente Pakzad.
Longtemps encore, il sera gouverné par consensus, avec prédominance des Pachtouns. Quant aux Américains, ce n’est pas la démocratie qui compte pour eux, mais la stabilité."
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