Présidentielle en Turquie : Demirtas et Ihsanoglu, deux prétendants contre Erdogan
Le tout-puissant et très intolérant Recep Tayyip Erdogan affrontera deux adversaires au premier tour de l’élection présidentielle, le 10 août. Avec la ferme intention de s’épargner un ballottage.
Le diplomate Ekmeleddin Ihsanoglu, 70 ans, et l’avocat Selahattin Demirtas, 41 ans, contraindront-ils Recep Tayyip Erdogan à un second tour ? Cette question domine une campagne sans suspense mais inédite dans sa forme, puisque, pour la première fois en Turquie, l’élection présidentielle se déroulera au suffrage universel direct. Si les politologues, qui ne peuvent s’appuyer sur des sondages fiables, se montrent circonspects, Erdogan, lui, ne doute de rien.
À 60 ans, le Premier ministre et patron de l’AKP se fixe pour objectif d’obtenir plus de 50 % des voix dès le 10 août et d’éviter un second tour, deux semaines plus tard. Ses concurrents sont à la peine. Ihsanoglu, qui a été désigné par les principaux partis de l’opposition, le très laïque CHP (centre gauche) et le MHP (extrême droite), se veut le candidat de la modération.
Demirtas, champion du BDP/HDP, prokurde, entend représenter, au-delà de cette minorité de plus de 15 millions de personnes, "tous les opprimés, les femmes, les jeunes, les travailleurs, les pauvres", désireux de démocratiser le pays. Tous deux ne luttent pas à armes égales avec un Erdogan qui utilise sans vergogne tous les moyens de l’État. Le 4 juillet, il est ainsi apparu pendant une heure vingt sur la chaîne publique TRT, tandis qu’Ihsanoglu se voyait consacrer une minute et que Demirtas était zappé.
Des pouvoirs encore plus exorbitants ?
Sans surprise aussi, Erdogan mène une campagne agressive à l’égard de cette moitié de la population qui ne partage pas ses idées. Le style de présidence qu’il souhaite suscite notamment bien des craintes. Lui dont l’islamisme et l’autoritarisme s’affirment chaque jour un peu plus compte faire litière du système parlementaire. À ses yeux, le président ne doit plus être un arbitre au-dessus des partis, mais le véritable chef de l’exécutif. Alors qu’il a écarté toute enquête sur les graves soupçons de corruption qui pèsent sur lui et ses proches, ses opposants redoutent qu’il ne s’arroge des pouvoirs encore plus exorbitants.
Pour le battre, le CHP et le MHP misent sur "Ekmel" Ihsanoglu, l’ex-secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), dont le profil conservateur, la piété et la volonté de maintenir le régime parlementaire sont censés séduire la frange de l’électorat AKP choquée par l’affairisme et le despotisme d’Erdogan. Mais c’est justement ce profil-là qui rebute les électeurs du CHP et, en général, ceux dont le coeur bat à gauche.
"Ihsanoglu est peu connu en Turquie. On ne saura s’il est un bon candidat qu’a posteriori", indique le politologue Emre Erdogan, de l’université Bilgi, à Istanbul, pour qui "le Premier ministre frôlera l’élection au premier tour, ou sera élu dès celui-ci avec une avance de deux points".
Demirtas, pour sa part, ne s’imagine pas en troisième homme, mais en candidat de cette mosaïque d’électeurs (Kurdes, Alevis, syndicalistes, étudiants, libéraux, etc.) qui ne se reconnaissent plus dans les partis traditionnels et incarnent cette Turquie jeune, frondeuse et avide de liberté qu’on a découverte lors du mouvement de Gezi. Quel que soit son score (plus de 10 % serait un succès), le vote kurde sera décisif. Il devrait jouer en faveur d’Erdogan, qui, ne laissant rien au hasard, a engagé un processus de paix avec les rebelles du PKK. Un train de réformes de nature à donner aux Kurdes quelques espoirs – fussent-ils sans lendemain – a été adopté le 10 juillet par le Parlement.
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