Égypte : entre les pavés, les jeunes pousses font leur révolution
Nouvelle tendance postrévolutionnaire, la création d’entreprises fait florès en Égypte. Un marché alléchant pour de nombreux investisseurs.
La révolution viendra-t-elle du grand capital ? L’élection à la présidence du général Abdel Fattah al-Sissi et la reprise en main du pouvoir par l’armée ont mis en hibernation les espoirs de liberté et de démocratie nés des événements de 2011. Mais une partie de la jeunesse qui les avait portés si haut place Al-Tahrir a choisi d’investir son énergie dans la création d’entreprises. Un objectif plus individualiste certes, mais qui pourrait à terme transformer la société.
ONG américaine consacrée au développement durable, MercyCorps s’est installée au Caire peu après la révolution afin de soutenir de nouvelles entreprises à vocation sociale. Muhammad Mansour, son directeur de programme, explique : "Les jeunes générations ont pris conscience qu’elles pouvaient être vraiment actives, qu’elles étaient capables de créer et de mener à bien des projets. Mais beaucoup sont las des lendemains chaotiques, et la création d’entreprises leur paraît un moyen plus sûr, plus efficace et plus durable d’assurer leur avenir et celui du pays."
14 jeunes chefs d’entreprises au lieu des habituels chanteurs
Image de cet engouement, El Mashrou3 ("le projet"), une émission de téléréalité diffusée au début de l’année par une grande chaîne nationale, mettait en compétition quatorze jeunes chefs d’entreprise au lieu des habituels chanteurs, sportifs ou autres histrions. "Sa jeunesse est le meilleur atout de l’Égypte", constate le programme Entrepreneur de la multinationale Virgin, qui a classé le pays parmi les meilleurs pôles mondiaux pour start-up, le 8 juillet.
Camarades à l’Université McGill de Montréal (Québec), l’Égyptien Salem Messalah et le Français Alban de Ménonville ont fait leurs bagages pour Le Caire dès 2011. Après avoir exposé sur le web des artistes révolutionnaires, ils ont créé début 2014 Bassita, une société qui promeut sur les réseaux sociaux les actions humanitaires de grandes compagnies. "Nous cherchons à surfer sur l’engouement pour les réseaux sociaux issu de la révolution. Depuis 2011, les jeunes réalisent qu’internet peut changer les choses, et pas seulement en politique", résument-ils.
Épicentre de cette petite révolution économique, le GrEEK Campus de l’Université américaine du Caire est devenu fin 2013 le premier grand parc technologique du pays, une pépinière d’entreprises sociales. D’autres incubateurs comme Nahdet El Mahrousa et Flat6Labs connaissent un grand succès également.
Selon Virgin, le potentiel de développement est énorme et le marché alléchant.
Certes, les berges du Nil sont encore loin de ressembler à la Silicon Valley ou au Silicon Wadi israélien, mais, relève Virgin, le potentiel de développement est énorme et le marché alléchant. "Les investisseurs sont enthousiastes !" se réjouit Muhammad Mansour. L’aide à l’Égypte postrévolutionnaire afflue, et les contributeurs préfèrent investir dans l’entrepreneuriat social plutôt que de verser des fonds à un État providence en faillite.
En outre, ces jeunes pousses, qui seront peut-être leaders demain, présentent de meilleures opportunités de croissance que les secteurs traditionnels, paralysés par l’incertitude politique. Lancé en 2012, le fonds d’investissement des Cairo Angels fédère ainsi des partenaires aussi différents que la Banque mondiale, la société du milliardaire égyptien Naguib Sawiris ou le programme Usaid.
Une solution concrète au fléau du chômage
De son côté, l’État égyptien a tout intérêt à encourager une tendance qui canalise l’énergie de la jeunesse, apporte une solution concrète au fléau du chômage et dynamise une croissance atone tout en palliant les carences des services sociaux. Reste à savoir si l’oligarchie commerçante et l’armée, qui pèse de tout son poids sur l’économie, continueront de voir d’un bon oeil ces start-up qui, insensiblement mais sûrement, leur grignotent des parts de marchés.
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