MEDays 2017 : Latifa Ibn Ziaten, la « maman courage » qui secoue les puissants

La mère d’un soldat tué par Mohamed Merah, devenue militante associative, a marqué l’assistance des MEDays 2017, à Tanger, par son discours percutant sur la radicalisation et le terrorisme. Des propos sincères qui ont trouvé un écho chez les universitaires et professionnels présents.

Latifa Ibn Ziaten, la mère du soldat tué par Mohamed Merah, lors des MEDays 2017 à Tanger, le 11 novembre 2017. © DR / MEDdays

Latifa Ibn Ziaten, la mère du soldat tué par Mohamed Merah, lors des MEDays 2017 à Tanger, le 11 novembre 2017. © DR / MEDdays

CRETOIS Jules

Publié le 13 novembre 2017 Lecture : 3 minutes.

« Latifa Ibn Ziaten, votre combat est notre combat. » Ce samedi 11 novembre, Brahim Fassi-Fihri,  président de l’Institut Amadeus et organisateur du forum, adresse les derniers mots de son discours de clôture de la dixième édition des MEDays, à la mère d’Imad Ibn Ziaten, sous-officier dans l’armée française, tué par le terroriste Mohamed Merah en France en 2012.

Quelques minutes avant, le modérateur anglophone de la conférence, Rida Lyamouri, consultant en questions sécuritaires et terrorisme notamment pour le département de la Défense américain, célébrait dans un français mêlé d’un fort accent, « la maman courage ».

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Une expérience de terrain

Latifa Ibn Ziaten, elle, a pris la parole en français. Avec calme, cette mère éplorée devenue militante associative, partage son expérience. « J’ai visité des dizaines d’écoles et de prisons. J’ai parlé avec des jeunes de France, du Maroc, de Palestine et d’Israël… Je ne suis pas spécialiste de géopolitique ou de stratégie sécuritaire, mais j’ai acquis une petite expérience sur le terrain », avance-t-elle à Jeune Afrique, en marge de la conférence.

Il y a un mois, l’association Imad pour la jeunesse et pour la paix que préside Latifa Ibn Ziaten a ouvert une bibliothèque à Fnideq, au Maroc, et trois autres dans la région. Cette petite ville populaire, située à moins de cinquante kilomètres de Tanger, où ont lieu les MEDays, a acquis ces dernière années une triste réputation : elle est décrite comme un réservoir de candidats au jihad en Syrie et en Irak.

Ibn Ziaten applaudie par une assemblée debout

Cette région, Latifa Ibn Ziaten la connaît bien, pour en être originaire. Son fils Imad est enterré à M’diq, à quelques kilomètres de Fnideq et de Tanger.

Devant le public des MEDays, Ibn Ziaten revient sur ce parcours de militante associative qui lui a échu comme un devoir après la disparition de son fils.

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Au milieu d’universitaires et de professionnels, elle parle d’amour filial, de la difficulté d’être une mère célibataire, de la sensibilité particulière des enfants aux discours ostracisants. L’émotion gagne la salle. À la fin de son allocution, la salle se lève et applaudit. Ibn Ziaten aura été la seule intervenante à faire se lever l’assemblée.

Formation des imams

Le micro change de main. Bram Boxhorn, directeur de Netherlands Atlantic Association spécialisée dans les questions sécuritaires, invite à impliquer plus avant les religieux dans la lutte contre le terrorisme. Ibn Ziaten, une main sur les écouteurs qui retransmettent la traduction simultanée, opine.

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Quelques minutes avant, elle racontait à Jeune Afrique sa visite à l’Institut de formation des imams de Rabat, ouvert par le Maroc dans le but d’aider des gouvernements étrangers, notamment africains, à lutter contre le terrorisme par le biais du religieux.

« C’est une expérience intéressante, qui mérite l’attention. J’en ai déjà parlé à des décideurs politiques en France », assure celle à propos de qui Jack Lang, directeur de l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris, confiait quelques jours auparavant à Jeune Afrique : « À l’IMA, elle est chez elle. »

Des propos peu écoutés

Après différentes interventions, le micro revient vers Ibn Ziaten. Sa deuxième est emplie de colère, malgré une voix toujours douce. Latifa Ibn Ziaten évoque des réalités sociales dures qui, selon elle, facilitent la radicalisation des jeunes, notamment l’embrigadement en prison, déjà abordé par d’autres.

« Ils vivent dans une jungle violente », assène-t-elle à un public qui méconnaît les réalités carcérales. « La première fois que je suis allée dans une prison, j’ai posé des questions sur les règles… Je suis ressortie en disant que ce n’était pas possible, qu’il fallait changer ces règles. » Ibn Ziaten côtoie des puissants, mais n’hésite pas à s’opposer.

Vos propos sont justes mais aujourd’hui, ils sont marginalisés, peu écoutés

Une intervention qui a poussé le professeur mauritanien et ancien ministre mauritanien des Affaires étrangères, Mohamed Mahmoud Ould Mohamedou, à réagir.

« Vos propos sont justes mais aujourd’hui, ils sont marginalisés, peu écoutés. Le terrorisme est un problème social. Demander aux gens d’ouvrir le Coran pour comprendre la dynamique d’Al Qaïda est un contresens méthodologique. Ce que nous devons faire aujourd’hui, c’est ce dont vous parlez : reconstruire des cheminements, trouver les moments de rupture dans le parcours des jeunes qui rejoignent des mouvements terroristes », conclut l’auteur de plusieurs ouvrages dédiés au terrorisme jihadiste, dont le fameux Understanding Al Qaeda: Changing War and Global Politics.

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