Tunisie : lancement d’une campagne pour faire respecter la loi sur la garde à vue
La réforme du Code de procédure pénale, entrée en vigueur le 1er juin 2016, devait garantir aux prévenus tunisiens le droit à un avocat au moment de l’arrestation. Un texte clé aujourd’hui trop peu connu des citoyens, selon l’ONG Avocats sans frontières (ASF) et l’Ordre national des avocats de Tunisie (Onat).
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Mise en place en 2016, la loi avait été saluée comme une «grande avancée» en matière de droits de l’homme. D’après cette réforme, toute personne (tunisienne ou étrangère, prévenue ou victime) a le droit de faire appel à un avocat en cas de placement en garde à vue dans des locaux de la police, de la garde nationale ou des douanes. La durée de la garde à vue a également été réduite, passant de 72 heures à 48 heures renouvelables une seule fois pour les crimes, et limitée à 48 heures pour les délits et à 24 heures pour les contraventions.
Il revient ensuite au procureur de la République de décider de la libération ou de la prolongation de la détention du prévenu, en motivant sa décision.
La loi dispose aussi que les officiers de police doivent avertir immédiatement un proche du suspect détenu en garde à vue, ou les autorités diplomatiques ou consulaires pour les étrangers. Ils sont ensuite tenus d’informer le suspect du motif de son arrestation et de la procédure engagée à son encontre, et un examen médical peut être demandé pour ce dernier.
Seule exception : cette règle n’est pas valable en cas de crimes relevant de la loi antiterroriste.
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Une population mal renseignée
« Les prévenus peuvent enfin dire ‘Je veux faire appel à un avocat’, comme dans les films », se réjouissait, à l’époque, Maître Habib Younsi, membre de l’Ordre national des avocats de Tunisie (ONAT).
Mais, entre juin 2016 et mars 2017, moins de 20% des prévenus ont bénéficié effectivement de la présence d’un avocat lors de leur garde à vue. En cause, selon l’ONG Avocats sans frontières (ASF) et l’Ordre national des avocats de Tunisie (Onat) : une population mal informée et une coordination difficile entre les principaux acteurs du système pénal.
Une campagne d’information
Mardi, ces deux organisations ont lancé en coordination avec les autorités une campagne de sensibilisation destinée aux Tunisiens : affichage, caravanes dans le Grand Tunis, spots télévisés et mini carnets rédigés en dialecte tunisien, résumant les droits pendant la garde à vue.
Cette réforme « est la clé d’accès à un procès équitable pour toute personne devant se confronter à la chaîne pénale », a souligné Antonio Manganella, directeur d’ASF en Tunisie, lors d’une conférence de presse organisée dans un commissariat en présence de représentants des ministères de la Justice et de l’Intérieur. La campagne vise les citoyens, « qui doivent savoir qu’ils ont des droits », a insisté le bâtonnier de Tunisie, Ameur Meherzi.
Aujourd’hui, en matière de protection du droit des prévenus en garde à vue, « la Tunisie, en matière législative, est beaucoup plus en avance que des pays considérés comme avancés », a fait valoir M. Manganella. « Mais ça ne veut pas dire que tout va bien. Les temps sont particulièrement difficiles en matière de construction et de respect de l’État de droit » en Tunisie, a-t-il ajouté.
Ces dernières semaines, un projet de loi dit de « protection » des forces armées est revenu au centre du débat public. Défendu par les syndicats de police, la loi reste très critiquée par la société civile qui juge qu’elle instaurerait, si elle était acceptée, une immunité quasi-totale pour les agents de police.
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