RDC : le désarmement des FDLR expliqué à ceux qui ont raté le début
Les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) ont commencé fin mai à se rendre. Une reddition jusqu’ici timide mais suffisante pour obtenir la suspension des opérations militaires engagées contre eux. Des questions persistent cependant sur leur cantonnement en RDC, en attendant leur retour hypothétique au Rwanda.
Le sujet est sensible, le terrain glissant. À Kigali comme à Kinshasa, voire dans les autres capitales de la région, le "désarmement volontaire" des rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), entamé timidement fin mai, est au centre des préoccupations. Récapitulons.
1.Qui a décidé de la reddition ?
Depuis la création fin mars 2013 d’une brigade d’intervention des Nations unies au sein de la Monusco, la donne a changé dans l’est de la RDC. En appui à l’armée congolaise, les quelque 3 000 militaires de cette force internationale, provenant de la Tanzanie, du Malawi et de l’Afrique du Sud, ont aidé activement à mettre fin début décembre à la rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23), avant de s’attaquer aux rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF).
>> Lire aussi : "La RDC et la Monusco n’ont plus d’excuses pour ne pas neutraliser les FDLR", selon Olivier Nduhungirehe
Quant à la traque des éléments des FDLR, actifs dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, la problématique est beaucoup plus complexe. Sans doute à cause des liens entre ces combattants rwandais et certains dirigeants locaux de l’armée congolaise, comme indiqué début juillet dans le dernier rapport de mi-parcours du nouveau groupe d’experts onusiens sur la RDC.
Quoiqu’il en soit, à en croire des sources locales, aucune opération militaire d’envergure n’a été engagée sur le terrain contre les FDLR. À la place, ces rebelles rwandais ont multiplié des signaux de paix. D’abord en décembre, en faisant savoir leur intention d’abandonner la lutte armée, puis en annonçant dans une lettre datée du 18 avril et envoyée aux pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) qu’ils commenceront à déposer les armes le 30 mai au Nord-Kivu et au Sud-Kivu.
2.Combien de combattants FDLR seront-ils concernés ?
Jusqu’ici, ce n’est qu’une timide reddition des rebelles FDLR. "Le 30 mai, ils n’étaient que quelque 103 combattants – dont 6 officiers et 102 armes – à se rendre au Nord-Kivu. Depuis, ils ont été rejoints par 142 membres de leurs familles", confie à Jeune Afrique une source onusienne. Au Sud-Kivu voisin, seuls 83 combattants ont rendu leurs armes, avant d’être plus tard rejoints par "224 dépendants", entendez femmes, enfants et autres membres de l’entourage proche.
"Ce n’est qu’un premier lot pour démontrer notre bonne foi", affirme La Forge Fils Bazeye, porte-parole des FDLR, se refusant toutefois de révéler le nombre des combattants qui attendent encore d’être désarmés. "Vous le saurez à la fin du processus", promet-il. Que reste-t-il vraiment de ces rebelles rwandais ? Kinshasa maintient que son armée a déjà réduit de "plus de 80 %" le nombre des FDLR. Mais Kigali n’en croit pas un mot. Même si de l’avis de plusieurs experts qui travaillent sur la question, on ne compterait aujourd’hui qu’entre 1500 et 2000 combattants FDLR éparpillés dans l’est de la RDC.
>> Lire aussi : que reste-t-il des FDLR ?
3.Où vont-ils être regroupés ?
En attendant d’y voir clair, c’est le cantonnement en RDC des rebelles FDLR qui fait débat. Où seront-ils regroupés avant leur retour hypothétique au Rwanda ? Les boucliers sont déjà levés au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. "Pas chez nous !", tonne Me Omar Kavota, un de responsables de la société civile locale. Une position majoritairement partagée par les élus locaux des deux provinces du Kivu dont les populations civiles ont souvent été victimes des exactions de ces combattants rwandais pendant près de deux décennies. Conséquence : les éléments FDLR ne seront donc pas regroupés à Walikale ni à Beni, dans le Nord-Kivu, comme avançaient certaines rumeurs.
Kinshasa a finalement décidé de les envoyer "provisoirement" à Kisangani, dans le nord-est du pays. "Ils seront ensuite regroupés dans le camp militaire de l’armée à Irebu, dans l’ouest du pays", assure Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement. Une option jugée "inacceptable" par les FDLR. "Ce n’est pas pratique de nous envoyer à Irebu, à plus de 2000 km de notre pays alors que nous déposons les armes précisément pour y retourner. Nous voulons rentrer chez nous !" martèle La Forge Fils Bayeze, porte-parole des FDLR.
>> Carte : Irebu, Kisangani, Kanyabayonga, Kigogo, … Où vont être regroupés les FDLR ? <<
Des dispositions prises par Kinshasa sont donc encore loin de calmer les esprits. "Relocaliser les FDLR dans le territoire national n’est pas la solution", martèle Juvenal Munubo. Pour l’élu de Walikale, "la communauté internationale doit convaincre Kigali d’accueillir ses ressortissants, du moins ceux qui n’ont pas été impliqués au génocide de 1994. Car, poursuit-il, considérer tout combattant FDLR comme génocidaire constitue une embuche à la paix". En attendant, les combattants démobilisés FDLR sont regroupés dans des camps de transit à Kanyabayongo dans le Nord-Kivu et à Kigogo dans le Sud-Kivu.
4.Le rôle des Nations unies
Qu’en pensent les Nations unies ? Du côté de la Monusco, on botte en touche. "Dans cette affaire, nous nous contentons d’apporter un soutien technique et logistique", confie une source au sein de la mission onusienne en RDC. Dès le départ, les FDLR voulaient plus de garantie pour déposer les armes. "Nous avions exigé la présence de la SADC [Communauté de développement de l’Afrique australe, NDRL] avant de désarmer", rappelle La Forge Fils Bayeze.
Mais au final, c’est dans deux camps de transit tenus par les Casques bleus que sont regroupés les rebelles rwandais qui se sont rendus, ainsi que leurs familles. "C’est le gouvernement seul qui décide où relocaliser ces FDLR avant leur rapatriement au Rwanda ou dans un autre pays d’accueil. En attendant, nous avons demandé à la Monusco de les rassembler dans des camps de transit", explique Lambert Mende.
5.Que demandent les FDLR en échange ?
Du côté des FDLR, le point de vue est beaucoup plus nuancé. "Il ne s’agit pas d’une reddition comme beaucoup veulent faire croire, insiste La Forge Fils Bayeze. Nous avons décidé de mettre fin à nos activités militaires pour nous engager dans la lutte politique dans notre pays." Autrement dit, en échange de ce "désarmement volontaire", les dirigeants FDLR espèrent à la clé l’ouverture d’un dialogue politique avec Kigali.
Dans cette perspective, quelques dirigeants FDLR se sont rendus fin juin à Rome. Par l’entremise de la communauté religieuse Sant’Egidio, ils ont pu rencontrer plusieurs représentants de la communauté internationale qui travaillent sur la situation sécuritaire dans les Grands Lacs. Une réunion qui n’a pas plu à Kigali, les FDLR étant considéré par les autorités rwandaises comme un "mouvement d’idéologie génocidaire".
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Par Trésor Kibangula
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