Pourquoi le Maroc devrait intégrer l’Ohada
Suite à l’adhésion du Royaume à la Cedeao, l’avocat Olivier Wybo et le docteur en droit Ali Bennani, tous deux associés du cabinet Emergence Legal, plaident en faveur de l’harmonisation du droit des affaires.
Dans le cadre de son adhésion en cours à la Cedeao, il se murmure que le Maroc envisagerait de devenir le 18e État membre de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (Ohada). L’intégration à la communauté économique ouest-africaine s’inscrit dans la volonté du royaume chérifien de donner toute sa place à la coopération Sud-Sud. Légitimement, la question se pose de savoir si le fait d’être membre de l’Ohada aiderait à la réalisation de cette stratégie et, le cas échéant, dans quelles conditions.
L’Ohada, c’est 17 États membres, soit une population de 272 millions d’habitants et un PIB de 196 milliards de dollars (166 milliards d’euros), bénéficiant de règles communes sur de larges pans du droit des affaires.
L’adhésion, selon l’article 53 du traité de l’Ohada, est ouverte à tout État membre de l’Union africaine.
Sur ces 17 États, 10 sont membres de la Cedeao. Depuis sa mise en œuvre, en 1998, l’Ohada est devenue un véritable modèle d’intégration régionale, inspirant par exemple les États des Caraïbes, qui envisagent d’adopter un traité Ohadac.
Le Maroc, une chance pour l’Ohada
Pour l’Ohada, l’entrée du Maroc serait également une chance. Le PIB du pays représente plus de 50 % du PIB agrégé de ses membres actuels. Selon Cheick Sako, président du Conseil des ministres de l’Ohada, l’adhésion du Maroc est « très souhaitable » puisqu’elle permettra de booster les échanges commerciaux entre le royaume et les pays de l’organisation. Fort de ses quelque 500 000 entreprises immatriculées, le Maroc dynamiserait à lui seul les statistiques.
Par ailleurs, le Maroc, par le biais de contributions financières prélevées sur la valeur en douane des importations des produits originaires des pays tiers mis à la consommation, participerait aux frais de fonctionnement des instances de l’organisation.
Le temps pris par l’intégration du Maroc au sein de l’Ohada et l’entrée en vigueur de tous les textes mettra à l’épreuve la patience des investisseurs
L’adhésion, selon l’article 53 du traité de l’Ohada, est ouverte à tout État membre de l’Union africaine. Même si le droit marocain et celui de l’Ohada s’inspirent principalement du droit français et du système romano-germanique, il n’en demeure pas moins que l’adhésion du Maroc soulève des questions et des difficultés à prendre en compte.
Tout d’abord, l’intégration de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) dans le système juridique marocain recèle un enjeu de souveraineté pour le royaume. En effet, la CCJA est compétente pour juger toutes les affaires relatives à l’application du traité, règlements d’application et actes uniformes en lieu et place de la Cour de cassation marocaine. La cour commune constituerait en outre un troisième degré de juridiction puisqu’elle pourrait connaître du fond des affaires.
Il y a également un enjeu de politique étrangère. L’adhésion du Maroc à l’Ohada serait en effet susceptible d’être perçue comme un signe fort de son implantation dans les pays d’Afrique subsaharienne francophone. Cette intégration pourrait se faire aux dépens des pays anglophones et membres de la Cedeao (Nigeria, Ghana), dont il essaie aussi de se rapprocher et, bien entendu, au détriment des efforts d’intégration à l’Union du Maghreb arabe.
Période transitoire
Ensuite, le temps pris par l’intégration du Maroc au sein de l’Ohada et l’entrée en vigueur de tous les textes mettra à l’épreuve la patience des investisseurs. Entre l’adhésion de la RD Congo, 17e et dernier État à avoir rejoint l’organisation en 2012, et l’entrée en vigueur des actes uniformes dans le pays, environ cinq ans se sont écoulés.
En outre, une période transitoire de deux ans a été accordée aux entreprises pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions du droit des affaires.
Plus spécifiquement, les actes uniformes renvoient aux droits nationaux. Dès lors, les États membres doivent déterminer les sanctions pénales pour réprimer les infractions à ces textes. En mars 2017, seuls 9 États sur 17 avaient adapté leur législation dans ce sens.
Enfin, l’adhésion du Maroc supposera une adoption de normes comptables proches des IFRS, ce qui nécessitera encore un certain travail.
L’arrivée du royaume au sein de l’Ohada doit donc être préparée en amont, mais il est certain que les deux entités auraient beaucoup à y gagner.
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