Maroc : ce que révèle la bousculade meurtrière de dimanche
Au moins 15 personnes ont été tuées dimanche lors d’une distribution de dons alimentaires dans la région d’Essaouira. Pauvreté, mauvaise organisation, fracture ville-campagne… Au-delà des enquêtes ouvertes sur les responsabilités éventuelles, le drame a réveillé le débat sur l’obsolescence du modèle de développement du Maroc.
Quinze morts. C’est le bilan de la bousculade de dimanche 19 novembre survenue dans le village de Sidi Boulaalam, dans les environs de la ville d’Essaouira, haut-lieu touristique du royaume. Un bilan qui pourrait s’alourdir, à en croire des sources locales : deux des cinq personnes blessées sont en effet dans un état critique.
• Morts pour 159 dirhams
Dimanche 19 novembre, des milliers de personnes s’étaient rassemblées devant l’entrée du souk hebdomadaire de Sidi Boulaalam, où une distribution humanitaire était organisée : des kits de produits alimentaires contenant chacun un sac de farine, du sucre, de l’huile et des lentilles. Valeur totale du panier : 159 dirhams (14,3 euros).
À deux semaines de l’Aïd el Mawlid, qui commémore le jour de la naissance du Prophète, les actions de bienfaisance sont monnaies courantes dans le pays. D’après un élu de la province d’Essaouira, la distribution des denrées alimentaires était organisée par une association locale, qui en est à sa cinquième action du genre. Sur place, pour assurer la distribution, Abdelkébir Hadidi, un imam originaire de la région, mais qui officie dans une mosquée de Casablanca. Il a vite été submergé par la foule.
• Deux enquêtes en cours
Suite à ce drame, le roi du Maroc a donné ses instructions pour déterminer les circonstances exactes du drame. Le ministère de l’Intérieur a ouvert une enquête et les auditions des responsables locaux ont d’ores et déjà commencé.
« L’opinion publique sera informée de toutes les conclusions », promet le ministère dans un communiqué. Une autre enquête, judiciaire celle-là, a été ouverte en même temps par le parquet.
Mauvaise organisation de cette opération de bienfaisance ou défaillance des autorités locales ? Les investigations devront répondre.
• Une région pauvre
Le village de Boulaalam, où a eu le drame, relève administrativement de la région de Marrakech-Safi. Il est situé à 80 km de la province d’Essaouira, destination mondiale du tourisme, mais dont la périphérie vit grâce à une agriculture de subsistance et à l’artisanat. Il s’agit d’une zone aride, dans laquelle les cultures dominantes sont l’arganier, l’olivier et quelques vignes.
Au Maroc, c’est connu. La pauvreté et surtout rurale… Une des contradictions d’un pays donné en exemple pour son développement économique, mais qui pâtit d’une mauvaise répartition des richesses.
Selon les données du Haut commissariat au plan (HCP), institution officielle chargée des statistiques nationales, le taux de pauvreté dans le village de Boulaalam avoisine les 26,1%, à mettre en regard du taux national de 4,8% . La région Marrakech-Safi est la troisième en terme de pauvreté (5,4%) avec de grandes disparités entre les villes et les campagnes.
Les contestations dans la région du Rif, qui ont coûté leurs postes à plusieurs ministres et hauts dignitaires de l’État, et les « marches de la soif », organisées ces derniers mois par les populations du sud du Maroc qui souffrent de la sécheresse, ont remis sur le devant de la scène l’ampleur de ces disparités.
Le 13 octobre, dans un discours devant le Parlement, le roi du Maroc a appelé à un changement du modèle de développement du Maroc, jugé obsolète. Pour lui, ce modèle s’est avéré inapte à satisfaire « les demandes pressantes et les besoins croissants des citoyens à réduire les écarts territoriaux et à réaliser la justice sociale ». Le drame de dimanche vient prouver qu’il s’agit d’une urgence.
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