Portraits : elles se sont imposées dans les ports africains
Elles ont su s’imposer dans des métiers traditionnellement masculins. Leur secret ? De solides études, doublées d’une volonté à toute épreuve. Et d’une bonne dose de diplomatie.
Ces futurs ports qui changeront la donne
Matilda Parker – Une patronne dans la tempête
Directrice générale de l’Autorité nationale des ports du Liberia
Celle qui dirige l’Autorité nationale des ports (NPA) du Liberia depuis cinq ans vit une année 2014 agitée. Les derniers mois ont en effet entaché le bilan de Matilda Parker, jusque-là largement plébiscité. Des accusations de malversations ont en effet placé la patronne des ports sous le feu des projecteurs, même si la période incriminée (2006-2008) est antérieure à sa prise de fonctions.
L’affaire pourrait cependant en rester là, si l’on en croit un audit remis à la présidence début novembre. Au mois de janvier, Matilda Parker avait déjà dû affronter une première tempête médiatique, lorsque le ministre des Finances lui avait reproché de ne pas avoir rempli ses obligations en matière de collecte des recettes fiscales et de contribution au budget de l’État. Des accusations que la patronne des ports avait dû publiquement démentir.
Et l’horizon devrait mettre encore quelques mois à se dégager, compte tenu du ralentissement prévisible de l’économie du pays, durement frappé par le virus Ebola. Si Matilda Parker connaît une mauvaise passe, son action reste, elle, globalement saluée. Manageuse expérimentée, passée par plusieurs grandes entreprises de télécommunications comme AT&T et Nextel (aujourd’hui Sprint), titulaire d’un Executive MBA de l’université du Texas, elle a permis aux quatre ports du pays – Monrovia, Greenville, Buchanan et Harper – de repartir de l’avant après les deux guerres civiles (1989-1997 et 1999-2003). Leurs revenus sont passés de 18 millions de dollars (14,4 millions d’euros) en 2009 à 26 millions de dollars en 2012, selon les derniers chiffres disponibles. « Quand j’ai pris mes fonctions, le port franc de Monrovia gérait 97 % du trafic. Il s’agissait d’une défaillance : si un obstacle quelconque coupait les routes menant à Monrovia, c’était catastrophique pour le reste du pays. Désormais, Monrovia gère environ 67 % du trafic, Buchanan environ 21 % et les autres se partagent le reste », explique Matilda Parker.
Rose Colombe Konan Okorou – Infatigable combattante
Directrice qualité, santé, sécurité, environnement et développement durable du Port autonome d’Abidjan
Abidjan, 1999. Sur fond de crise politique, les grèves se succèdent. Rose Colombe Konan Okorou est alors chef de département des docks et occupe cette période trouble à réaliser des statistiques… qui permettent au port de recouvrer ses recettes une fois le calme revenu.
Repérée par son directeur général adjoint, elle est alors promue directrice des travaux d’aménagement. En 2001, elle devient directrice adjointe des études et du développement, puis prend en charge l’audit interne, avant d’obtenir en 2006 le poste qu’elle occupe actuellement.
« J’ai eu beaucoup de chance, car les promotions sont plutôt réservées aux hommes », souligne cette quarantenaire titulaire d’un doctorat en agroéconomie décroché à Abidjan grâce à une bourse canadienne. Seules trois femmes siègent au comité de décision du port. Donner son avis relève parfois du parcours du combattant. « Une idée avancée par une femme sera toujours mise de côté ou attaquée, explique-t-elle. Pour présenter mes propositions à mon directeur, je rédige un mémorandum. »
Aichata Mint Doussou – De la suite dans les idées
Chef de section à la trésorerie du Port autonome de Nouakchott
Dossou cCasa Africa" title="Aichata Mint Dossou est diplômée en économie de l'université de Nouakchott. © Casa Africa" class="caption" style="margin: 4px; border: 0px solid #000000; float: left;" />Aichata Mint Doussou, 37 ans, est l’une des vingt-quatre femmes qui travaillent au Port autonome de Nouakchott. Rien ne la destinait au secteur maritime.
Originaire de Kaédi, elle choisit, après un baccalauréat de mathématiques, d’étudier l’économie à l’université de Nouakchott, jusqu’en 2000. Son diplôme en poche, elle séjourne à deux reprises à Paris, en janvier et en mai 2001, pour décrocher un certificat de langue française à la Sorbonne. « Ce niveau d’études me semblait fondamental pour accéder ensuite à de bons postes, résume-t-elle. Puis, j’ai suivi plusieurs formations en informatique. »
En janvier 2004, Aichata est recrutée pour un stage au service informatique du port de Nouakchott. Elle devient cadre trois mois plus tard, puis chef de section à la trésorerie en février 2009. En parallèle, elle obtient un certificat d’anglais à la Regent School de Cambridge, en Grande-Bretagne. Son objectif ? Gravir les échelons de l’administration portuaire et se faire une place dans ce monde d’hommes.
Esther Gyebi Donkor – Féministe par conviction
Manager du terminal du port de Tema
« Les ports africains se féminisent grâce à un meilleur accès aux études », insiste Esther Gyebi Donkor. Présidente du Réseau des femmes professionnelles dans le secteur portuaire et maritime pour l’Afrique occidentale et centrale depuis 2013, et pour un an encore, elle souhaite aider ses membres à s’imposer dans un milieu majoritairement masculin.
Moins de 10 femmes sur 162 hommes travaillent au terminal du port de Tema. Esther, 46 ans, y évolue depuis vingt ans. Après des études d’économie et un master en gestion de transport et logistique, elle est embauchée comme directrice marketing, avant de diriger, de 2005 à 2010, les relations publiques du port ghanéen.
Aujourd’hui responsable du terminal, elle évoque la difficulté de concilier son travail et sa vie de femme mariée avec trois enfants.
« Je dois passer beaucoup d’heures au port, et même parfois m’y rendre la nuit, explique-t-elle. Une bonne organisation est fondamentale. » Son défi est aujourd’hui l’expansion en cours du port, due à l’augmentation du trafic de marchandises vers les pays sans littoral, le Burkina Faso, le Niger et le Mali.
Imane Benchaib – Les compétences d’abord
Chef de service alliances stratégiques de Marsa Maroc
« Plus de 98 % du commerce extérieur transite par les ports au Maroc. Travailler dans ce secteur, le poumon de notre économie, constitue donc pour moi un véritable challenge professionnel », explique Imane Benchaib, 27 ans, qui évolue depuis 2010 à la direction générale de Marsa Maroc, présent dans neuf ports marocains.
chez Procter & Gamble à Casablanca. © Casa Africa" class="caption" style="margin: 4px; border: 0px solid #000000; float: left;" />Titulaire d’un baccalauréat en sciences économiques obtenu en 2004, Imane s’est spécialisée dans le marketing en école de commerce et de gestion, au Maroc. Elle décroche son premier poste en juin 2009 chez Procter & Gamble à Casablanca. Pendant dix-huit mois, elle planifie les ventes au département logistique. C’est le déclic.
À Marsa Maroc, où elle poursuit sa carrière, la direction générale compte 80 femmes sur 200 employés. « Elles ont pu s’imposer grâce à leurs compétences, leurs savoir-faire techniques et leurs capacités managériales, souligne-t-elle. Le port de Mohammedia compte même une pilote chargée d’assister les navires à l’entrée et à la sortie du port. »
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