Algérie : liberté de la presse et soupçons de chantage aux publicités publiques

Hadda Hazem, directrice du quotidien algérien El Fadjr a suivi une grève de la faim d’une semaine contre un boycott publicitaire qu’elle estime être politique. Certains de ses confrères demandent la levée du monopole sur la distribution de publicité publique.

Hadda Hazem : directrice d’Al-Fadjr. © DR

Hadda Hazem : directrice d’Al-Fadjr. © DR

CRETOIS Jules

Publié le 20 novembre 2017 Lecture : 2 minutes.

Hadda Hazem, directrice du quotidien algérien El Fadjr, était en grève de la faim depuis le 13 novembre. La raison : à l’en croire, le titre qu’elle dirige est victime d’un boycott de la part de l’Agence nationale d’édition et de publicité (Anep). L’Anep est une régie publicitaire, chargée de centraliser et distribuer la publicité publique.

Hazem assure ne plus recevoir de publicités d’entreprises publiques depuis un passage sur le plateau de France 24 le 9 août 2017, durant lequel elle expliquait son opposition à un nouveau mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Lors d’une conférence de presse retransmise à la télévision, le ministre de la Communication Djamel Kaouane, a répondu, ce lundi, en assurant qu’El Fadjr avait reçu environ quarante millions de dinars algériens au cours de l’année écoulée. Il a par ailleurs affirmé que l’organe de presse était endetté auprès des imprimeries de l’État.

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RSF soutient la revendication

Ihsane El Kadi revient d’un rassemblement en solidarité avec la journaliste, qui a rassemblé ce 20 novembre quelques 200 personnes devant la Maison de la presse à Alger. Des proches et des confrères de Hazem, qui l’ont convaincu de mettre un terme à sa grève de la faim. Ce qu’elle a fait, avant d’être transférée dans un hôpital de la capitale. Lui-même est journaliste.

« Hadda Hazem a initié un mouvement qui dépasse la seule question du titre qu’elle dirige : elle-même appelle à la levée du monopole sur la publicité publique », explique-t-il à Jeune Afrique.

Yasmine Kacha, directrice du bureau Afrique du Nord de Reporters sans frontières (RSF) assure depuis Tunis à Jeune Afrique que l’ONG soutient cette revendication de levée du monopole : « Les autorités algériennes expliquent le monopole pour des raisons économiques, mais dans les faits, on remarque qu’il est utilisé comme un moyen de pression. »

Chantage à la publicité

Selon RSF, il s’ahit là de formes de chantage à la publicité qui seraient exercées à l’encontre de certains titres. « El Watan ne reçoit plus de publicités publiques depuis environ 1993 et El Khabar depuis 1998. Et ce n’est là que la partie visible de l’iceberg », assure Kacha.

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Dès 2014, RSF émettait un communiqué : « La publicité est également utilisée à des fins de pressions contre les médias. L’ANEP, l’Agence nationale de l’Édition et de la Publicité créée en décembre 1967 décide de l’attribution de la publicité des entreprises et des services de l’administration publique. La publicité publique constitue ainsi une ressource financière non négligeable pour la presse écrite. La publicité privée découle bien souvent d’entreprises proches des cercles politiques du pays. Aussi, cette manne financière sert avant tout les journaux les plus dociles (…) Il est donc facile pour l’État d’asphyxier économiquement les journaux au contenu critique. »

Cette même année 2014, Hmida Ayachi, directeur de deux quotidiens, Algérie News et Djazaïr News, assurait que ces derniers étaient sciemment privés de publicité publique. Si Hazem a cessé sa grève de la faim, de nombreux journalistes algériens comptent bien continuer son combat. « Nous restons mobilisés. Cette grève de la faim a impulsé une dynamique. Nous discutons sur les possibilités d’organiser des états généraux de la presse algérienne », conclut El Kadi.

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