L’œil de Glez : en Afrique, faux médicaments et vraies maladies
Au Niger, une nouvelle saisie spectaculaire de médicaments illicites souligne, une nouvelle fois, la gravité de ce marché mortifère en Afrique. Mais les discours de sensibilisation portent-ils ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 22 novembre 2017 Lecture : 2 minutes.
Si l’on devait définir le terme « Africain » à un extra-terrestre fraîchement débarqué sur la planète bleue, on pourrait tenter la formulation suivante : « Être humain qui ne consomme guère l’excellent cacao qu’il produit abondamment et qui consomme abondamment les médicaments nuisibles qu’il ne produit guère ». Car une fois de plus, une impressionnante saisie de produits pharmaceutiques contrefaits démontre que les populations des pays en voie de développement sont la cible privilégiée des faussaires en pilules et autres cachets.
Ce sont 1813 cartons de faux médicaments – soit un peu plus de treize tonnes – qui ont été présentés à la presse, lundi 20 novembre, par les services nigériens de répression du trafic illicite des stupéfiants ; une cargaison destinée au marché local, acheminée à Niamey depuis l’Inde, via un port ghanéen ; un bric-à-brac d’antalgiques et d’anti-inflammatoires approximatifs sur lesquels figuraient des mentions aussi incongrues que « Laissez à la portée des enfants ».
Toute l’Afrique touchée
Inutile de stigmatiser le Niger comme la zone de transit idéale de l’illégal, le réceptacle du contrefait ou le dépotoir du périmé. Si les caractéristiques géographiques du pays se prêtent au trafic des produits pharmaceutiques illicites, ce dernier concerne toute l’Afrique. En début d’année, l’Organisation mondiale des douanes indiquait que, sur le continent, un tiers des médicaments mis en vente étaient des produits illicites ou contrefaits. Un score bien plus élevé qu’en dehors de l’Afrique : à l’échelle mondiale, l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (Iracm) estime que les faux produits médicamenteux représentent 10% du marché mondial de la pharmacie, soit un chiffre d’affaires annuel estimé à 85 milliards de dollars.
L’Inde et la Chine leaders de la contrefaçon
L’Inde est le premier pays de contrebande des références pharmaceutiques illégales, que celles-ci soient vraies mais frauduleuses, authentiques mais mal conditionnées ou tout simplement périmées. Sur le terrain de la contrefaçon, le pays se partage les tristes records avec la Chine.
L’extrême pauvreté des populations africaines et la cupidité infinie de certaines élites expliqueraient la persistance d’un commerce illicite largement moins sanctionné que celui des stupéfiants. Dans cette dernière affaire de saisie nigérienne, la police met en cause l’agent « corrompu » d’une société officiellement agréée pour la diffusion de médicaments. Il reste à sensibiliser. Sensibiliser les autorités sur le fait que les effets de cette contrefaçon dépassent largement ceux d’une violation de la propriété intellectuelle. Sensibiliser les populations pour qu’elles sachent que les pharmacies « par terre » sont des pourvoyeurs de maladies autant que de soins…
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