Pétrole sénégalais : les dangers de l’eldorado

L’analyste politique Ahmadou Ndiaye s’inquiète des risques que l’exploitation du pétrole découvert au large des côtes sénégalaises peut faire courir à l’environnement et à la gouvernance. Il appelle à un débat public sur ces questions.

Le contrat entre Total et l’État du Sénégal a été signé en décembre 2016, pendant la visite de Macky Sall à François Hollande. © Francois Mori/AP/SIPA

Le contrat entre Total et l’État du Sénégal a été signé en décembre 2016, pendant la visite de Macky Sall à François Hollande. © Francois Mori/AP/SIPA

Ahmadou Ndiaye
  • Ahmadou Ndiaye

    Ahmadou Ndiaye est spécialiste des droits humains pour le think tank l’Afrique des Idées et consultant en développement international.

Publié le 24 novembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Si les nombreuses découvertes d’hydrocarbures au large du Sénégal et de la Mauritanie viennent confirmer de réelles potentialités pour la région en termes de développement, ces ressources, déjà reconnues « de classe mondiale »,  exposent aussi ces pays à de multiples risques.

Après l’américain Kosmos et l’écossais Cairn, qui récoltent déjà les bénéfices de l’offshore profond dans la région, le géant britannique BP investit lui aussi dans le large sénégalo-mauritanien.

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Bien que les retombées économiques de l’exploration pétrolière puissent se chiffrer en centaines de millions de dollars pour les acteurs impliqués, il importe de réfléchir aux multiples axes d’amélioration du secteur.

En effet, quelques mois après la signature d’un accord entre le groupe français Total et l’État du Sénégal, il est temps de se pencher sur les risques qui se profilent pour la démocratie et l’environnement.

Les négociations autour du pétrole semblent uniquement diligentées par l’exécutif sénégalais et par les dirigeants des sociétés pétrolières

Après le limogeage du ministre sénégalais de l’Énergie le jour même de la signature avec Total, la société civile et les experts se sont manifestés. Abdou Aziz Diop, du Forum civil, a pointé l’absence d’un débat public autour des négociations. Tout comme le géologue Fary Ndao, il estime que le pétrole – ressource non-renouvelable doit faire l’objet d’une gestion consciencieuse, axée sur la durabilité.

Le Sénégal est membre de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), qui exige notamment un cadre juridique et institutionnel transparent concernant les contrats, les revenus et taxes de l’activité extractive, ainsi que leur répartition. Pourtant, les négociations autour du pétrole sénégalais semblent pour le moment être uniquement diligentées par l’exécutif sénégalais et par les dirigeants des sociétés pétrolières.

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Qu’en est-il alors des principes contenus dans la norme ITIE, et depuis peu dans la Constitution sénégalaise, selon lesquels l’extraction des ressources naturelles doit se faire au bénéfice de la réduction de la pauvreté et du développement durable, ces ressources appartenant effectivement à tous les citoyens ? Une bonne pratique démocratique aurait donc nécessité l’organisation d’un débat public exposant les opportunités et les risques, la protection et les responsabilités des parties dans l’activité économique.

Pouvoir apprécier le risque environnemental

Par ailleurs, des considérations d’ordre environnemental doivent aussi guider les décisions économiques. L’accident de BP dans le Golfe du Mexique, en 2010, avec le déversement de 780 millions de litres de pétrole dans les fonds marins, montre que les plateformes offshore présentent des risques énormes pour la planète. L’autorisation d’exploitations offshore ne peut se faire sans la considération préalable de critères environnementaux – en sus des critères techniques et financiers – et la divulgation de données scientifiques claires qui permettent aux parties prenantes d’apprécier le risque. Le Conseil économique, social et environnemental français préconisait dès 2012 une pratique européenne et mondiale similaire.

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Enfin, le forage offshore est l’une des activités maritimes les moins encadrées par le droit , alors qu’il s’agit d’une activité dangereuse. Tandis que l’idée d’une convention internationale peine à faire son chemin, les Nations unies insistent sur la nécessité de voies de recours appropriées, y compris en réparation, pour les victimes éventuelles d’atteintes aux droits, notamment celui à un environnement sain.

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