Défilé du 14 Juillet en France : les Champs-Élysées seront-ils algériens ?
Qu’ils soient supporters ou militaires, les Algériens qui veulent fouler le bitume parisien suscitent la polémique. De fait, des deux côtés de la Méditerranée, des dents grincent à l’approche du défilé parisien du 14 Juillet.
Le 26 juin dernier, vers 2 heures du matin, des dizaines d’Algériens s’affairaient en rythme sur les Champs-Élysées. S’agissait-il d’une répétition pour le fameux défilé du 14-juillet ? Que nenni. Ce jour-là, rien de militaire, malgré les uniformes français d’un impressionnant dispositif de sécurité.
Le rythme du cortège n’était pas martial, mais festif, imprimé par celui des percussions, des klaxons et des cris "Vive l’Algérie". Quant aux "défileurs" d’un jour, ils étaient les supporters de l’équipe de football algérienne qui venait de se qualifier pour les huitièmes de finale du Mondial.
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Pourtant, ce sont bien des militaires algériens, comme vient de le confirmer leur ministre de la Défense Ramtane Lamamra, qui fouleront, dans quelques jours, le bitume de la plus belle avenue du monde. Fête nationale française oblige, réjouissance franco-africaine par excellence…
Sur le continent de l’Algérie, – l’Afrique, pour les footballeurs qui l’auraient oubliée -, les ambassadeurs français allumeront leurs lampions mondains dans des parcs souvent plus vastes que celui du président local. Devant des autorités africaines accourues au pas de charge et en tenue d’autant plus "traditionnelles" que l’hôte est celui qui inspira leur costume-cravate quotidien, Ses Excellences venues d’ailleurs interpréteront des discours équilibristes entre valeurs universelles ancestrales et piques paternalistes d’actualité.
En cuir ou en pain de mie, les canapés seront moelleux, mais pas question de se laisser aller à répondre à un grand chef "gaulois" que l’on jugerait en terrain conquis. Pas de retour de leçon, ni en Afrique, ni en France. Et ce n’est pas faute de présence africaine à la célébration parisienne de la prise de la Bastille…
L’Algérie, cette nation qui nourrit avec la France une relation de "je t’aime, moi non plus".
L’année du cinquantenaire d’une bonne partie des indépendances, déjà, les artères de Paris avaient des allures de capitale "nègre". À la veille du 14 juillet 2014, l’attention des observateurs est retenue par l’Algérie, cette nation qui nourrit avec la France une relation de "je t’aime, moi non plus".
Pourtant, et même si les défilés de la fête nationale française sont souvent l’expression de la réconciliation – franco-allemande l’année dernière-, ce ne sont pas les actes manqués post-accords d’Évian qui sont à l’ordre du jour.
L’incubation de l’histoire dépasserait-elle cinquante ans ? Ce 14-juillet, pas d’éloge d’une émancipation cinquantenaire, mais plutôt la glorification d’une solidarité deux fois cinquantenaire. 200 000 soldats algériens ont, en effet, participé à la première guerre mondiale sous l’uniforme français. Comment aurait-on justifié que l’Algérie ne fasse pas partie des 80 pays invités ? Ni cette question ni sa réponse ne sont pourtant de nature à déminer les polémiques, fussent-elles marginales.
Côté français, la sphère du Front national s’émeut, parrainant une pétition baptisée "Non au défilé des troupes algériennes à Paris le 14 juillet 2014", pétition portée notamment par le président de l’association France-Harkis, Mohamed Bellebou ; une position minoritaire du – quand même – "premier parti de France" au dernier scrutin, position qui fait écho à l’agacement d’autres responsables de droite, comme Christian Estrosi. Le maire de Nice avait interdit "l’utilisation ostentatoire" de drapeaux étrangers pendant le récent match Algérie-Allemagne, jusqu’à la fin de la compétition. Qui visait-il ? La nation germanique qui fut l’ennemi héréditaire de la France en cette période 14-18 sous le prisme duquel on conçoit le prochain 14-juillet ?
Pas d’anathème à sens unique : côté algérien, l’Organisation nationale des moudjahidines considère que ce défilé conjugué ne devrait pas se tenir "tant que le sujet de la criminalisation du colonialisme n’est pas réglé".
À propos de la participation algérienne à la première guerre mondiale, particulièrement, certains observateurs considèrent que les soldats n’avaient pas obtenu, après le conflit, certains droits jugés légitimes.
Ce 14-juillet, à Paris, la presse scrutera donc particulièrement les rictus algériens, comme elle lorgna les crispations de mâchoire d’un Poutine sur une plage de débarquement. Mais le visage particulièrement inexpressif du premier des Algériens sera-t-il de la fête des Champs-Élysées ?
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Damien Glez
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