Algérie : les harragas de plus en plus nombreux à faire route vers l’Espagne
En quelques jours, plusieurs milliers d’harragas – jeunes Algériens candidats à l’émigration – ont tenté de rejoindre l’Europe par bateau, via une route particulièrement risquée. A leur arrivée en Espagne, certains ont été mis en prison, faute de places suffisantes dans les centres de rétention bondés.
C’est un bruit de fond qui ne cesse de monter, alimenter par une suite d’articles publiés notamment dans la presse espagnole et par les discussions qui animent les terrasses de café à Alger. Les données précisent manquent, mais tous s’accordent sur une chose : ces derniers jours, on observe une vague de départs de harragas – « brûleurs de frontières » –, ces jeunes prêts à tout pour rejoindre les côtes européennes.
Accélération des tentatives de traversées
En un week-end, entre le 18 et le 19 novembre, 49 bateaux seraient arrivés sur les côtes espagnoles dans la région de Murcie, avec à leurs bords quelques 500 migrants, Algériens dans leur quasi-totalité, à en croire le quotidien espagnol El País. En compilant les chiffres donnés par Associated Press et la presse espagnole, on peut considérer qu’au moins 1 100 Algériens ont débarqués en Espagne depuis la fin octobre.
D’autres bateaux, perdus en mer, ont été interceptés par les autorités espagnoles. Entre le 16 et le 18 novembre, les gardes-côtes algériens ont, eux aussi, intercepté près de 300 Algériens qui tentaient d’émigrer, a annoncé le ministère algérien de la Défense à l’Agence France presse (AFP). Le même ministère relève « l’ampleur prise par les tentatives de quitter le territoire national ». Des départs qui se font principalement depuis la région d’Oran.
Dans l’urgence, de nombreux ressortissants algériens ont été redirigés vers un pénitencier espagnol encore vide. L’annonce a suscité la polémique, en Espagne comme en Algérie. Le 20 novembre, le ministre de l’Intérieur espagnol, Juan Ignacio Zoido a rencontré Taous Ferroukhi, ambassadrice de l’Algérie à Madrid. Sur la table : la lutte contre les réseaux de passeurs et l’immigration clandestine.
Les routes migratoires se déportent de l’Italie vers l’Espagne
18 000 migrants sont arrivés du continent africain en Espagne depuis janvier 2017.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), joint par Jeune Afrique, relève « une augmentation très importante des arrivées en Espagne ». « Environ 18 000 migrants sont arrivés du continent africain en Espagne entre janvier et la mi- novembre 2017. Ils étaient un peu plus de 5 000 pour l’année 2016. » Une part importante de ces migrants ont pris le bateau depuis l’Algérie.
« La route vers l’Italie est devenue plus contrôlée, du coup, de nouveaux circuits apparaissent », nous dit-on encore. On s’étonne aussi : « Cette période de début d’hiver est d’habitude marquée par une baisse des départs, ce qui n’est pas du tout le cas cette année ». Et personne ne cache la dangerosité de la traversée de l’Algérie vers l’Espagne.
Côté algérien, on tente de fournir des réponses. « Dans peu de temps, les intempéries seront plus régulières, et les traversées plus dangereuses encore. Il y a une petite accalmie, la météo semble propice à des départs », nous dit Nourredine Benissad, avocat et président de Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH).
Ce dernier compte d’ailleurs « prendre attache avec les ONG espagnoles pour se renseigner sur le traitement réservé aux migrants arrivés en Espagne. » Pour Benissad, les harragas sont des victimes : « Ils subissent le chômage, sont arrêtés en Europe, et ici ils risquent gros aussi, depuis l’adoption d’une loi en 2009 criminalisant l’émigration dite ‘illégale’ ». Il ne cache pas ses inquiétudes : « Les jeunes algériens semblent déprimés. Ici, chacun parle de partir. La situation exige bien plus que la répression. »
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