Zimbabwe : investi président, Emmerson Mnangagwa tourne la page des années Mugabe
Le nouveau président zimbabwéen a été investi ce vendredi au Stade national des sports d’Harare, devant une foule enthousiaste.Promettant une rupture radicale avec la politique de son prédécesseur, il a annoncé des élections apaisées dès 2018.
Les 60 000 places du Stade national des sports, à Harare, n’ont pas suffi. Face aux écrans géants, sur les parkings alentour, l’oreille collée à un poste de radio, les Zimbabwéens sont venus en masse pour assister à l’investiture de leur nouveau président, Emmerson Mnangagwa. Au cours des trente-sept dernières années, ils n’ont connu qu’un seul leader : Robert Mugabe. Dans la foule, le désir de changement déborde. Tout le monde a voulu être là, pour voir de ses yeux une nouvelle ère commencer.
Trois chefs d’État
Les chefs d’État du continent ont montré moins de ferveur. Seuls trois d’entre eux avaient fait le déplacement : le Botswanais Ian Khama, le Zambien Edgar Lungu et le Mozambicain Philippe Nyusi. Quant au Sud-Africain Jacob Zuma, il accueillait le même jour son homologue angolais João Lourenço, en visite d’État.
Mais qu’importe : la fête a été réussie, ne serait-ce que par l’enthousiasme de la foule. Elle s’est même permise de huer copieusement le chef de la police, Augustin Chihuri, recouvrant totalement sa voix amplifiée au micro, lors de sa prestation d’allégeance au nouveau président. Ses hommes, détestés par les Zimbabwéens pour leurs incessants rackets, ne sont du reste pas retourné dans les rues depuis la prise de contrôle de l’armée.
En préambule de son long discours, Emmerson Mnangagwa a tout de même eu un mot pour Robert Mugabe, qui a été pour lui « un père et un frère d’arme ». Il l’a même fait applaudir – ce que la foule a accepté de faire avec parcimonie. Mais son discours peut se lire comme un réquisitoire de ses vingt dernières années au pouvoir.
Appel à l’unité et à la reconstruction
Je suis le président de tous
Point par point, il a promis de tout changer, à commencer par la restauration de l’unité nationale. Après avoir remercié son parti, la ZANU-PF, pour l’avoir désigné comme président, il a dit « ne pas oublier tous les Zimbabwéens, par-delà les divisions raciales et politiques, qui ont des attentes légitimes envers la présidence. »
« Je suis le président de tous » a-t-il ajouté, appelant les zimbabwéens exilés à rentrer au pays pour participer à sa reconstruction. Celle-ci devrait se faire « en incorporant des éléments d’économie de marché » et en « encourageant l’entrepreneuriat ».
« Les investissement extérieurs faits au Zimbabwe seront sécurisés », a-t-il ajouté. Il a également annoncé la levée des restrictions financières auxquelles sont sujets les Zimbabwéens. « Les gens doivent avoir accès à leur épargne et à leurs revenus ».
La main tendue aux Occidentaux
Notre pays est prêt à un réengagement rapide avec le reste du monde
La seule concession qu’il a fait au bilan de Mugabe est, peut-être, l’épineuse question de la saisie des terres des fermiers Blancs : « Les défis auxquels nous faisons face viennent en partie de nos politiques, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Mais toutes les nations doivent comprendre que […] le principe de la récupération de nos terres ne peut pas être remis en question ».
« Je demande aux bénéficiaires de cette redistribution […] de s’assurer que toute la terre est utilisée de façon optimale […] et de contribuer à la sécurité alimentaire », a-t-il toutefois ajouté.
La fin de discours a davantage été destinée à la communauté internationale : « Notre pays est prêt à un réengagement rapide avec le reste du monde. Alors que nous bâtissons un Zimbabwe démocratique, nous demandons à ceux qui nous ont sanctionné de revoir ces mesures, politiques comme économiques », a-t-il demandé.
Promesse d’élections en 2018
Emmerson Mnangagwa a enfin pris l’engagement d’organiser des élections dans les délais prévus, c’est à dire avant fin 2018. Elles se dérouleront sans violence politique, a-t-il promis.
Le président sortant, Robert Mugabe n’a pas assisté à ce discours. Selon le quotidien d’Etat The Herald, il s’est entretenu avec Emmerson Mnangagwa. « Les deux chefs sont tombés d’accord sur le fait que, après les événements intenses de cette dernière semaine et demi, le président sortant avait besoin de temps pour se reposer », écrit pudiquement le quotidien.
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