Nigeria : les autorités ont camouflé un attentat à Lagos, selon des experts en terrorisme

Des experts ont affirmé que l’explosion survenue à Lagos il y a un mois devant un dépôt de carburant, que les autorités nigérianes avaient qualifié d’accident, était en réalité un attentat.

Le quartier d’Apapa à Lagos le 12 avril 2005. © AFP

Le quartier d’Apapa à Lagos le 12 avril 2005. © AFP

Publié le 9 juillet 2014 Lecture : 3 minutes.

Les autorités nigérianes ont tenté de camoufler un attentat à la bombe meurtrier à Lagos, selon une enquête de l’AFP. Elles avaient affirmé, peu après une explosion devant l’un des principaux dépôts de carburant de la ville, qu’il s’agissait d’un accident.

Cette explosion a eu lieu le 25 juin dans le quartier d’Apapa, sur un axe menant au plus grand port du Nigeria et à la zone où sont stockées les réserves de carburant de la capitale économique. Quelques heures plus tôt, à Abuja, un attentat à la bombe faisait 21 morts devant un centre commercial.

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Évoquée sur les réseaux sociaux et dans les médias locaux, la thèse d’un attentat à Apapa avait été immédiatement démentie par les autorités de Lagos qui ont préféré évoquer un accident causé par une citerne de gaz de cuisine qui aurait pris feu sans faire de victime.

Cependant, des photos obtenues par l’AFP montrent qu’une voiture a été entièrement détruite et que les bâtiments et les autres véhicules autour ont aussi été endommagés. Ces preuves laissent peu de doutes sur l’origine de l’explosion, selon un ancien chef du déminage de l’armée britannique.

De puissants explosifs

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D’après un expert indépendant, Bob Seddon, vétéran d’Afghanistan et d’Irak et spécialiste des engins explosifs improvisés (EEI), qui a pu analyser à ces clichés, cet accident a été provoqué par l’usage de puissants explosifs. "L’effet de souffle et le schéma de fragmentation provoqués par une explosion de gaz sont très différents" a-t-il précisé. Selon lui, 25 à 50 kilos d’explosifs artisanaux ont été utilisés à Apapa.

Selon plusieurs hauts diplomates, qui ont confirmé en privé que l’explosion avait été préméditée, les autorités ont préféré démentir par peur des effets désastreux que pourrait entraîner l’annonce d’un attentat dans la capitale économique, jusqu’ici épargnée.

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Lagos, qui compte quelque 20 millions d’habitants, abrite les sièges de toutes les grandes sociétés étrangères qui opèrent dans la première puissance économique d’Afrique. Le porte-parole du gouvernement fédéral, Mike Omeri, a déclaré que l’enquête menée par la police de l’État de Lagos "explorera toutes les pistes (…) qu’il s’agisse d’EEI, de voitures piégées ou d’un accident".

L’entreprise de conseil en sécurité Control Risks, implantée à Lagos et dont le siège est à Londres, affirme dans une note de synthèse à ses clients qu’il s’agissait bien d’un attentat à la bombe qui a fait au moins quatre morts. "En se basant sur des témoins visuels, Control Risks estime que cet incident était une attaque islamiste et non un accident industriel", a dit Roddy Barclay, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest pour cette société.

Renforcement de la sécurité

Depuis le 25 juin, le gouvernement de l’État de Lagos a fait renforcer la sécurité autour des installations stratégiques de la ville et augmenté la capacité d’accueil en urgence des hôpitaux publics. Les autorités ont même investi dans de nouvelles ambulances, augmenté ses stocks de sang et mis des unités d’intervention d’urgence en stand-by, selon Jide Idris, le commissaire à la Santé. Il a toutefois maintenu que ces mesures avaient été prises en raison d’un état d’alerte national qui ne concernait pas particulièrement la ville de Lagos.

Les témoignages de sept témoins visuels sont venus appuyer l’analyse de l’expert Bob Seddon et de l’entreprise Control Risks. Ces témoins ont évoqué deux explosions – la première à l’entrée du dépôt Folawiyo et la seconde, quelques minutes plus tard, lorsqu’une voiture a explosé dans une rue adjacente – qui auraient fait plusieurs morts.

Selon certaines affirmations, la première explosion a été causée par une femme kamikaze, mais elles n’ont pu être vérifiées avec certitude. Le dirigeant du groupe, Tunde Folawiyo, un des hommes les plus riches d’Afrique, a nié, dans les médias locaux, que l’explosion soit survenue dans l’enceinte du dépôt et ait fait des morts.

Selon un représentant du gouvernement américain, Boko Haram possède "les capacités logistiques pour atteindre Lagos" mais pour l’instant, seule Control Risks établit un lien entre le groupe islamiste et cet attentat. Son spécialiste Roddy Barclay précise cependant que l’explosion "a sans doute été organisée par un réseau islamiste local, plutôt que planifiée et coordonnée par les chefs de Boko Haram dans le Nord-Est". Selon lui, on peut craindre de nouvelles attaques visant des "cibles faciles", mais cet attentat n’est pas forcément le point de départ d’une "insurrection durable" à Lagos.

(Avec AFP)

 

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