Le Mondial ou la vie !
Cette année, je me suis mise au foot. C’était ça ou errer comme une âme en peine, privée de conversation, de bisous et de bons films sur la chaîne de télévision franco-allemande Arte. Déjà qu’au premier coup de sifflet au Brésil, j’ai vu l’unique bar de mon quartier se remplir d’une horde de mecs velus. J’ai alors rebroussé chemin.
Pas question non plus d’aller passer la soirée chez mes copines : la plupart sont occupées à recevoir les copains de leurs maris invités à regarder un match. Quand c’est l’équipe de France qui joue, plus personne dans les rues, le pays tourne au ralenti, les magasins se vident, j’ai l’impression de revivre la première guerre du Golfe, le tragique en moins.
Je me souviens avoir dénoncé dans cette même page la dictature du ballon et l’overdose de testostérone il y a quatre ans, lors du dernier Mondial. Ce fut peine perdue. J’avais conseillé aux filles de bouder leurs supporters de maris, de profiter de la détérioration des capacités intellectuelles de leurs collègues masculins pour décrocher la promotion rêvée, de refuser de servir l’apéritif à leurs sidis qui hurlent devant l’écran plus fort que la vuvuzela.
Rien à faire. Alors, cette année, j’ai réfléchi et je me suis dit : si pour triompher de son adversaire il faut s’y intéresser, alors, intéressons-nous au foot.
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Méthode : s’injecter le foot à petites doses comme d’autres à mon âge s’injectent leur Botox. Et ça marche. J’ai commencé par organiser chez moi des "Mondial-parties". Je me suis découvert un immense talent de femme au foyer. Je cuisine, j’essuie, je sers, et je sais gré au foot de mettre de l’ambiance dans ma maison. Mon mari, lui, met davantage la main à la poche pour les frais de bouche. Je crois que je finirai en parfaite supportrice, voire en hooligan.
Mais alors, hooligan au féminin. Pourquoi ? D’abord parce que, en regardant les compétitions, impossible de me mettre à la bière, je reste au jus de tomate. C’est moins excitant mais ça me permet de demander dix fois sans bafouiller pourquoi il y a un corner. Et pourquoi ils disent que l’Espagne n’est pas en forme cette année. Et pourquoi on ne laisse pas l’arbitre décider de la validité des buts selon son intime conviction au lieu d’avoir recours à la froide technologie.
Est-ce que nous, les musulmans, on a laissé tomber le calendrier lunaire qui valide le ramadan pour nous fier à ces outils d’impies ? Je traite de bêtes et de nuls ces joueurs qui attendent devant le goal adverse à ne rien faire, avant qu’une voix compatissante me fasse remarquer qu’il s’agit du Grand Messi ou du Sérénissime Müller. Je glisse sur la coupe ridicule des maillots, la forme en crête d’oiseau des cheveux, et ces horribles tatouages ! "Tu peux nous laisser écouter ?" supplie mon mari.
D’accord. Mais je me mets soudain à vanter les beaux muscles des joueurs, les peaux luisantes, les larges poitrines, les yeux magnifiques de l’arbitre. Et je ne sais pas pourquoi, ça jette un froid. Jusqu’au moment où la balle passe sous la barre et où je me retrouve à crier avec la meute : "Elle y est !!!" Sans savoir exactement qui a marqué contre qui.
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