Sénégal : retour sur la nuit où Khalifa Sall a perdu son immunité parlementaire
Sous les huées de l’opposition, les députés de la majorité présidentielle ont voté samedi la levée de l’immunité de leur « honorable collègue », incarcéré depuis le 7 mars.
Sénégal : retour sur la chute de Khalifa Sall
Un an, jour pour jour, après le placement en détention de Khalifa Sall, le 7 mars 2017, Jeune Afrique vous propose de retrouver ici les moments clefs de cette descente aux enfers.
Dans une ambiance houleuse, les parlementaires sénégalais ont voté à une écrasante majorité la levée de l’immunité du député et maire socialiste de Dakar, incarcéré depuis le 7 mars.
Signe de la nervosité autour de l’affaire Khalifa Sall, les rues attenantes à l’Assemblée nationale avaient été bouclées, samedi 25 novembre, par des dizaines de policiers anti-émeutes. Une manière d’empêcher la présence encombrante des partisans du maire de Dakar, qui avaient prévu de battre le pavé sur la place Soweto, pour protester contre un dénouement écrit d’avance.
Vers un procès ?
Tard dans la soirée, au terme d’une séance plénière maîtrisée tant bien que mal par le président Moustapha Niasse, 125 députés de la majorité ont voté la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, ouvrant ainsi la voie à un procès. Seuls 25 parlementaires ont voté contre.
Challenger putatif de Macky Sall à l’élection présidentielles de 2019, Khalifa Sall est accusé d’avoir utilisé sans les justifier, entre 2011 et 2015, les fonds de la régie d’avance de la municipalité, pour un montant total de 2,7 millions d’euros. Depuis le 7 mars, il est inculpé notamment pour « association de malfaiteurs » et « escroquerie aux deniers publics », et incarcéré à la prison de Rebeuss. Des accusations qui ne l’ont pas empêché d’être élu député, depuis sa cellule, lors des législatives du 30 juillet, sur la liste d’opposition Taxawu Senegaal. Dans la foulée, ses avocats ont exigé sa libération d’office, arguant que leur client bénéficiait désormais de l’immunité parlementaire.
Coup de théâtre
Mais le bénéfice de cette immunité lui a été refusé successivement par le procureur de Dakar, le doyen des juges d’instruction et la chambre d’accusation de la cour d’appel, qui estiment que les faits à l’origine de son inculpation sont antérieurs à son élection en tant que député. Jusqu’à ce coup de théâtre, le 26 octobre, lorsque le Parquet a finalement décidé de saisir l’Assemblée d’une demande de levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall – signifiant au passage que celle-ci s’appliquait bien. Chargée d’instruire le dossier, une commission ad hoc composée de huit députés de la majorité et de trois de l’opposition a été créée dans la foulée.
Le débat parlementaire sur la levée de l’immunité de Khalifa Sall, le 25 novembre (à partir de 4:24:30)
« La commission ad hoc, instruite du caractère sérieux des charges retenues contre le député Khalifa Ababacar Sall (…), a conclu, à la majorité, de recommander à l’Assemblée nationale qu’il lui plaise de lever (son) immunité parlementaire pour permettre la poursuite des actes de procédure », a déclaré samedi soir, à l’Assemblée, son rapporteur, le député de la majorité Seydou Diouf.
« En tant que membre de la commission, je dois dire que ce rapport n’est pas fidèle », a rétorqué le député non inscrit Déthié Fall, qui avait démissionné de la commission ad hoc le 23 novembre, avec deux autres députés de l’opposition. En cause : une série de « violations » qui auraient entaché, selon eux, la procédure de levée de l’immunité parlementaire. Ils visent notamment l’absence d’audition du maire de Dakar, pourtant prévue par le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Celle-ci a en effet tourné court, mercredi, à la prison de Rebeuss, après le refus de Khalifa Sall de recevoir ses pairs tout en étant privé de liberté. « Le droit de se défendre est un droit sacré à toutes les étapes de la procédure, se désole un opposant dans les couloirs de l’Assemblée. Or ce droit a été violé. »
La levée de l’immunité témoigne d’un raffinement démocratique extraordinaire, selon le ministre de la Justice
Sous les huées de l’opposition, qui a réclamé, en vain, un véritable débat parlementaire, le nouveau ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, s’est pour sa part félicité à la tribune du processus visant à la levée de l’immunité du député et maire de Dakar, qualifié de « raffinement démocratique extraordinaire ». « C’est l’expression vivante de l’État de droit, dont la consolidation est la préoccupation quotidienne du président Macky Sall », a-t-il ajouté.
Un satisfecit auquel le député Cheikh Bamba Dieye a répondu, dans un climat particulièrement délétère : « À vaincre dans le déshonneur, on triomphe malheureusement dans les bas-fonds. »
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