Algérie : Chakib Khelil, un « conférencier comme un autre » ?
Deux semaines après que le Premier ministre a annoncé un non-lieu de la justice algérienne le concernant, l’ex-ministre de l’Énergie Chakib Khelil multiplie les interventions publiques.
« Ici pas de politique ». Le ton est donné dès l’entrée de l’Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP), une école publique située à l’est d’Alger, où Chakib Khelil a animé une conférence sur le thème « Économie algérienne : perspective et prospective », samedi 25 novembre. Parmi le public, des universitaires, des étudiants de l’ISGP, quelques chefs d’entreprise et… un seul journaliste, dont l’accréditation n’a pas été simple à obtenir. L’ex-ministre de l’Énergie (1999-2010) et directeur de Sonatrach jusqu’en 2003, anciennement sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par la justice algérienne avant qu’il ne soit annulé pour vice de forme, cherche-t-il à éviter les questions indiscrètes ?
Il faut dire que l’intervention de l’ancien membre du gouvernement, cité dans plusieurs dossiers judiciaires, a eu lieu deux semaines seulement après les surprenantes déclarations du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, à son égard. Sur le plateau de la chaîne privée, Dzaïr News, le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND) a assuré que « la justice algérienne a prononcé un non-lieu sur l’affaire de Chakib Khelil ». Problème : le chef du gouvernement ne précise ni la date du jugement ni la Cour qui était chargée d’instruire le dossier.
Du côté des organisateurs de la conférence à l’ISGP, on veut couper court à la polémique. « Il n’a pas reçu de traitement de faveur. Toutes nos conférences sont fermées au public », se défend un administrateur à Jeune Afrique avant d’ajouter : « Chakib Khelil est un conférencier comme un autre ».
Nous ne sommes que des spectateurs de ce qui se trame, on ne peut rien faire pour l’en empêcher
Après un exposé d’une vingtaine de minutes, celui qui se présente aujourd’hui comme un expert international en énergie a échangé pendant près d’une heure avec ses auditeurs, répondant à des questions triées sur le volet. Chakib Khelil a notamment plaidé pour une réforme du système de subventions et l’introduction d’une nouvelle monnaie pour lutter contre le marché informel.
À la sortie, le malaise dans le public est palpable. Alors que l’ancien dirigeant algérien quitte l’Institut entouré de son équipe, en se pliant à une série de selfies, un groupe d’étudiants soupire : « Recevoir un haut fonctionnaire de l’État c’est un honneur, mais recevoir Chakib Khelil c’est problématique ». Un peu plus loin, une cadre dans un bureau d’études s’étonne : « Il a parlé de corruption qui mine l’économie algérienne alors que lui-même est mis en cause. Ce n’est pas crédible ».
Dans les rangs du public, le retour sur le devant de la scène de l’ex-ministre, après trois ans d’exil aux États-Unis, désormais très actif sur les réseaux sociaux, n’est pas anodin. Certains lui prêtent même des ambitions politiques. « Il est en pré-campagne. On n’est pas dupe », croit savoir Mohamed, étudiant en master de finances. À ses côtés, Arsalan, membre de la même promotion, lâche l’air abattu : « Nous ne sommes que des spectateurs de ce qui se trame, on ne peut rien faire pour l’en empêcher ».
Khelil, l’intouchable
Ancien ministre de l’Énergie et ami d’enfance du chef de l’État, Chakib Khelil a été formellement inculpé par la justice algérienne en août 2013 dans le cadre d’une affaire de corruption présumée liée à la gestion du groupe pétrolier Sonatrach.
Accusé notamment de « blanchiment d’argent, abus de pouvoir et constitution de bandes criminelles », Khelil a fait l’objet d’un mandat d’arrêt international qui n’a pas été transmis à Interpol. Sa femme, Najat Arafat Khelil, ainsi que leurs deux enfants, Sina et Khaldoun, ont été également inculpés et sont recherchés par la justice algérienne. Le nom de Najat Khelil est également apparu dans le scandale de « Panama Papers » comme étant lié à des sociétés offshore détenues dans ce paradis fiscal.
Réfugié aux États-Unis où il possède une résidence depuis mars 2013, Khelil est rentré en Algérie en mars 2016 sans être inquiété par la justice de son pays. L’ex-patron de l’Énergie n’a pas été convoqué par un juge et ne s’est pas présenté de lui-même devant un juge comme s’il s’y était engagé en 2013.
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