Mohamed Hamidi, de l’agrégation au cinéma en passant par le Marrakech du rire

Scénariste, réalisateur, musicien et père, ce banlieusard d’origine algérienne, ancien professeur agregé, est impliqué dans le Marrakech du rire comme dans le Bondy Blog. Et déborde de projets.

Mohamed Hamidi, un des fondateurs du Bondy Blog Le 24 octobre 2013. © Bruno Lévy/J.A.

Mohamed Hamidi, un des fondateurs du Bondy Blog Le 24 octobre 2013. © Bruno Lévy/J.A.

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Publié le 9 juillet 2014 Lecture : 4 minutes.

Il court, il court, Mohamed Hamidi. De Bondy à Paris, en passant par l’Algérie et le Maroc, il ne s’arrête jamais. À 41 ans, ce Français d’origine algérienne n’a pas le temps de s’ennuyer. Ce matin, il a retrouvé ses acolytes du Marrakech du rire, à quelques pas du Jamel Comedy Club, à Paris. « Là, je sors d’une session de correction du scénario de mon prochain film », raconte-t-il en ôtant sa parka.

Après un déjeuner sur le pouce, c’est l’heure du remue-méninges pour trouver les meilleurs sketchs du festival. Pas question de perdre du temps, sa journée est réglée comme du papier à musique. « Je veux sans cesse rentabiliser le temps et je culpabilise dès que j’en perds, raconte-t-il sans lâcher son smartphone des yeux. Il me faudrait deux vies pour faire tout ce que je veux. »

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Des humoristes chevronnés comme Jamel Debbouze – dont il écrit certains textes – aux jeunes pousses Malik Bentalha et Abdelkader Secteur, Mohamed Hamidi côtoie désormais les vedettes de la scène du rire et s’est fait un petit nom dans le « showbiz » parisien. Il est loin le temps où ses élèves l’écoutaient attentivement dans sa salle de classe quand il enseignait « les grandes théories économiques » au lycée de Bobigny. Mohamed Hamidi est un « pur produit Bondy », du nom de la banlieue où il est « né, [a] grandi et fait ses études ».

Dernier d’une fratrie de neuf, le jeune garçon se fait dorloter par ses grandes soeurs qui l’aident pour ses devoirs et lui transmettent le goût de l’enseignement. À 16 ans, il fait du soutien scolaire auprès des jeunes de son quartier. Un an plus tard, il passe son brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa) et décide de devenir professeur. « La matière m’importait peu, je voulais surtout donner et recevoir. »

Autodidacte, il passe le Capes par correspondance puis l’agrégation d’économie-gestion.

Autodidacte, il passe le Capes par correspondance puis l’agrégation d’économie-gestion. « Je n’ai jamais eu de problème pour étudier seul. Je suis même convaincu qu’on apprend mieux par soi-même », assure-t-il. Pendant quinze ans, la casquette d’enseignant lui convient parce qu’elle lui permet d’avoir du temps libre. Deux fois par semaine, il gratte sa guitare avec son groupe de lycée Netdenet.

Cet hyperactif parvient même à monter le projet d’un média en ligne collaboratif, le Bondy Blog, lancé par le journaliste suisse Serge Michel, qui souhaitait s’installer à Bondy pour raconter la vie dans les quartiers sensibles après les émeutes de 2005. « Nous avons fait notre possible pour l’aider, qu’est-ce qu’on risquait ? » interroge Hamidi avec un sourire.

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Fonceur, il a tendance à vouloir relever tous les défis de front. Mais il y a trois ans, lorsqu’il apprend qu’il va devenir père de jumeaux, il doit faire un choix. « J’ai eu un déclic, j’étais prof à mi-temps, artiste à mi-temps, il fallait que je trouve du temps pour mon « job » de père », explique-t-il. Il abandonne alors crayons et copies. Depuis, cet homme pressé écrit et met en scène des spectacles mais emmène ses enfants à l’école le matin.

Il a d’ailleurs l’impression de vivre une « vie normale », que son anonymat lui permet. « Je ne suis pas intéressé par le devant de la scène », assure-t-il, préférant profiter des spectacles où ses amis humoristes racontent ses propres blagues, même s’il doit parfois les recadrer. « Je suis très rigoureux. Je sais que c’est assez rare dans le milieu artistique… » confie-t-il.

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Sa rigueur le pousse sans cesse à se renouveler. Selon lui, chaque seconde de sa vie est un instant de plus pour se cultiver. Il dévore le jour les livres de Dostoïevski et de Boris Vian « pour le côté décalé », et passe des nuits blanches à regarder des films, surtout le cinéma italo-américain, de Martin Scorsese à Al Pacino. « J’ai soif d’apprendre », dit-il. En 2013, cette passion le pousse à tenter l’expérience de la réalisation et à produire le film quelque part, sélectionné aux festivals de Cannes et de Haïfa.

Il prépare le tournage de son deuxième film, un road-movie « dans l’esprit de la comédie La Vache et le Prisonnier » avec Fernandel. « Je ne prends jamais de vacances. Même lorsque je suis en congés, je bosse. »

Si la capitale lui fait les yeux doux et s’il s’est « embourgeoisé », Hamidi n’oublie pas son quartier et garde les pieds sur terre et la main sur tous ses projets. Chaque semaine, il passe au Bondy Blog Café où la chaîne parlementaire française LCP diffuse des débats politiques en présence de jeunes de banlieue. « C’est plus marrant d’être avec les gens qui me ressemblent. Nous avons des origines populaires, les mêmes délires, le même humour… » livre-t-il.

Le temps passe, Hamidi semble déjà ailleurs. Il doit appeler Jamel, son producteur ou sa femme. À moins qu’il ne doive se rendre à une répétition avec son groupe. Quoi qu’il arrive, il n’a pas de temps à perdre.

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