Maroc : Espagnols cherchent travail

Fuyant le chômage et la crise, de nombreux Ibériques – toutes catégories sociales confondues – tentent leur chance au Maroc. Avec des fortunes diverses.

Emilio Rodriguez, ouvrier du bâtiment, sur un chantier à Tanger. © Fadel Senna/AFP

Emilio Rodriguez, ouvrier du bâtiment, sur un chantier à Tanger. © Fadel Senna/AFP

Publié le 14 juillet 2014 Lecture : 3 minutes.

C’est une réalité que l’on se plaît à amplifier des deux côtés du détroit de Gibraltar : ils seraient des milliers d’Espagnols à vivre et à travailler clandestinement à Tanger et dans ses environs. Une émigration inversée provoquée par la crise économique de 2011 – et qui ne se dément pas. De quoi susciter les lazzis et alimenter les fables, comme celle d’Espagnols mendiant dans les rues de Tanger ou exécutant des spectacles sur la voie publique dans l’espoir de glaner quelques dirhams…

Le 19 mai, un site d’information espagnol peu fiable, Economía Digital, estimait à 5 000 le nombre d’Ibériques sans papiers, soit deux fois plus que les 2 040 détenteurs de carte de séjour enregistrés au consulat espagnol de la capitale du détroit. De quoi exaspérer Arturo Reig Tapia, consul d’Espagne à Tanger, qui avance une autre explication : "Avec la crise, certains des 800 000 Marocains résidant légalement en Espagne et parfois détenteurs de la nationalité délivrée après dix ans de présence ont perdu leur travail.

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Beaucoup sont revenus à Tanger où il y a des opportunités." Selon le diplomate, "il y a aussi une hausse du nombre d’entrepreneurs espagnols présents à Tanger", attirés notamment par les milliards de dirhams de budget alloués au plan Tanger-Métropole. Et de conclure : "Il n’y a pas de place pour la main-d’oeuvre non qualifiée ici."

Des liens historiques entre l’Espagne et Tanger

La présence espagnole à Tanger ne remonte pas à la crise. Autonome en 1925, la ville a vu son "statut international" mis entre parenthèses après la défaite française de juin 1940 et l’occupation par les contingents nationalistes de Franco. "Beaucoup d’Espagnols se sont d’abord installés à Tanger pendant la guerre avant de rejoindre Tétouan pour fuir le régime de Franco", se souvient José Marmolero, né en 1945 à Tanger, son père avait trouvé refuge, avant de se faire arrêter par la police de Franco. "Aujourd’hui, on constate une immigration espagnole d’affaires, avec des entrepreneurs du bâtiment et de l’immobilier notamment. La crise a accentué leur présence", observe le directeur de l’hôtel Tarik.

Outre les entrepreneurs attirés par les opportunités d’une ville en plein développement, de nombreux Espagnols modestes tentent leur chance de l’autre côté du détroit. C’est ainsi qu’à Asilah, Irène, jolie quadragénaire désargentée, a ouvert une échoppe de vêtements importés et tient un stand sur les marchés. Sur les routes vicinales entre Tanger et Tétouan, on peut voir des Espagnols faire la tournée des chantiers en camionnette et proposer leurs services.

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Un grand nombre d’Ibériques travaillent dans les centres d’appels qui ont fleuri à Tanger, tandis que d’autres tentent de créer des agences de communication. "Beaucoup d’Espagnols qui n’ont pas réussi professionnellement dans leur pays essaient de se vendre ici, mais c’est très dur pour eux, car les compétences locales sont de plus en plus élevées", constate Mohamed Reda Raian, 28 ans, qui a vécu en Espagne jusqu’en 2012, où il a travaillé dans un cabinet d’architectes, avant de rentrer et de créer la Carte de Tanger.

Les Espagnols prennent des cours de darija

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À l’institut Cervantes, situé en plein coeur du quartier espagnol (collège, hôpital, consulat et institutions…), le phénomène de migration liée à la crise en Espagne se fait ressentir. "Nous avons 1 600 élèves inscrits aux cours d’espagnol, contre plus de 2 000 avant la crise, tandis que les centres de cours d’allemand et d’anglais voient leurs inscriptions augmenter, souligne Joao Emilio Pérez Guerreiro, 48 ans, responsable administratif de l’institut. Par contre, on observe une augmentation significative d’Espagnols à la recherche d’un travail, et qui s’inscrivent à nos cours de darija [dialecte marocain]."

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