À Ouaga, le regard des Burkinabè sur l’« effet Macron »

Au lendemain du « discours de Ouagadougou » d’Emmanuel Macron, les réactions sont mitigées. Si certains saluent le franc-parler et le style du président français, d’autres soulignent un discours « vide » ou « propagandiste ».

Emmanuel Macron, dans une école de Ouagadougou, après son « grand oral » à l’université, le 28 novembre 2017. © Ahmed Yempabou Ouoba/AP/SIPA

Emmanuel Macron, dans une école de Ouagadougou, après son « grand oral » à l’université, le 28 novembre 2017. © Ahmed Yempabou Ouoba/AP/SIPA

Publié le 29 novembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Il était attendu au tournant. Plusieurs organisations de la société civile et des syndicats avaient même organisé des manifestations contre « l’impérialisme » de l’ex-puissance coloniale accusée de « piller les ressources naturelles du pays via des multinationales ». Emmanuel Macron aura cependant tenu bon. Pour son grand oral devant plus d’un millier d’étudiants burkinabè, le président français n’a éludé aucun sujet.

Affaire Sankara, extradition de François Compaoré, lutte contre le terrorisme, jeunesse… Il a tout abordé, sans détour. Et à Ouaga, l’« effet Macron » continue de faire réagir.

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« Déjà entendu »

« Son discours a l’air d’attirer les Africains », estime Tiibo Nassa. Le leader du mouvement « Deux heures pour nous, deux heures pour Kamita », qui protestait mardi devant l’université Ouaga alors que le président français s’y adressait « à l’Afrique » tempère cependant aussitôt. « C’est un discours propagandiste, vide de sens. C’est du déjà entendu », critique-t-il d’un ton acerbe.

Les critiques sont nombreuses. Sur la forme, essentiellement. Un épisode, en particulier, suscite une vague d’indignation, notamment sur les réseaux sociaux. Interpellé par un étudiant sur les délestages sur le Campus, Emmanuel Macron lance, d’un ton hilare : « C’est à votre président de régler cela ! » Se tournant vers le fauteuil de Roch Marc Christian Kaboré, il découvre alors que le président burkinabè s’est éclipsé. « Oh il est reparti… Reviens ici ! ». Et le président de se tourner vers la salle : « Il va réparer la clim ».

Son franc-parler a fait impression

Sur les principaux sujets abordés au cours des plus de deux heures et demi de discours et de face-à-face entre le président français et les étudiants lutte contre le terrorisme, affaire Sankara, franc CFA, jeunesse, migration, extradition de François Compaoré -, Macron était très attendu. Son franc parler semble avoir fait impression, qu’elle soit bonne ou mauvaise.

L’effet Macron, c’est le courage qu’il a eu de dire, à Ouagadougou, que c’est aux Africains d’assumer leurs responsabilités

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« Sur la question du franc CFA, Macron nous renvoie à nos chefs d’État sur lesquels nous devons accentuer la pression pour sorti de cette monnaie coloniale », lance l’activiste Hervé Ouattara. A la tête d’une organisation de la société civile qui dénonce le fonctionnement actuel du CFA, il émet cependant des réserves : « Ça reste un discours politique. Nous attendons désormais des actes concrets sur le terrain, même si Macron a rappelé qu’il n’est pas un président colonisateur ».

Contrairement au discours prononcé dix ans plutôt à Dakar par Nicolas Sarkozy, qui avait provoqué un tollé sur le continent, Emmanuel Macron semble avoir séduit plus d’un Africain. « L’effet Macron, c’est le courage qu’il a eu de dire, à Ouagadougou, que c’est aux Africains d’assumer leurs responsabilités », note Guy Hervé Kam, avocat et porte-parole du Balai Citoyen, l’un des mouvements de la société civile à l’avant-garde de l’insurrection populaire d’octobre 2014.

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La levée du secret-défense sur Sankara saluée

En s’engageant en faveur de la levée du secret-défense sur les archives françaises concernant Thomas Sankara, Macron marque une rupture. Cette annonce a sonné comme une victoire d’étape pour les partisans du père de la Révolution Burkinabè, qui attendent toujours que la lumière soit faite sur son assassinat le 15 octobre 1987. D’autant qu’ils sont nombreux, au Burkina comme ailleurs, à considérer que la France a eu un rôle dans le meurtre du président burkinabè.

« La commission rogatoire du juge burkinabè va connaître un dénouement au plus vite afin que l’on puisse aller véritablement à un procès qui va – enfin – situer les responsabilités dans l’assassinat du président Sankara et ses douze compagnons », se félicite ainsi Me Bénéwendé Stanislas Sankara, l’un des avocats de la famille Sankara.

>>> A LIRE – Levée du secret-défense sur l’assassinat de Sankara : « Une bonne chose », selon Mariam Sankara

« Si les africains ne veulent plus de la Françafrique, qu’ils arrêtent de tendre la main à l’Occident », rétorque Guy Hervé Kam, regrettant au passage ce qu’il qualifie de « tapage » autour de la visite du président français. « Je comprends qu’il y ait des ressentiments envers la France et que des gens veulent manifester. En revanche, je comprends moins que l’on veuille s’opposer à sa venue. La France est un partenaire du Burkina », souligne-t-il.

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