Après le discours d’Emmanuel Macron, que reste-t-il de la « Françafrique » ?

Emmanuel Macron a déclaré ce 28 novembre à Ouagadougou qu’il n’y avait plus de « politique africaine de la France ». Il est le troisième président français à évoquer la fin de ces liens historiques et sulfureux connus comme la « Françafrique », terme que le chef d’État a pris soin de ne pas employer.

Emmanuel Macron, dans une école de Ouagadougou, après son « grand oral » à l’université, le 28 novembre 2017. © Ahmed Yempabou Ouoba/AP/SIPA

Emmanuel Macron, dans une école de Ouagadougou, après son « grand oral » à l’université, le 28 novembre 2017. © Ahmed Yempabou Ouoba/AP/SIPA

Publié le 29 novembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Qu’est-ce que la Françafrique ? « C’étaient des réseaux politico-affairistes qui poussaient leurs intérêts à travers des institutions ou des fonctions institutionnelles », assure le consultant Laurent Bigot, ancien diplomate français spécialiste de l’Afrique de l’Ouest. « Mais il faut arrêter avec ça. Les réseaux Jacques Foccart, c’était il y a quarante ans. C’est totalement révolu. D’ailleurs, Macron n’a même pas prononcé le mot ».

Pour Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique, ancien directeur de La lettre du continent, la Françafrique était « cette relation incestueuse entre les présidents français et les présidents africains. C’étaient les valises de billets qui allaient des présidents africains aux dirigeants français pour financer leurs campagnes politiques ».

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« De la fin des années 50 à la fin des années 90, la France avait en Afrique un système intégré, politique, militaire, financier avec le franc CFA, et surtout aucune concurrence, ajoute-t-il. Mais c’est fini. Maintenant, le monde entier est en Afrique ».

« Résiduel et folklorique »

Interrogé en 2015, l’homme d’affaires franco-béninois Lionel Zinsou, alors Premier ministre du Bénin, décrivait la Françafrique comme « des réseaux de domination qui ont duré plus longtemps que la période de la colonisation et se sont étendus dans les premières années de l’indépendance, mais qui n’existent plus qu’à l’état résiduel et folklorique ».

Ces réseaux d’influence concentriques, présents dans les anciennes colonies françaises en Afrique de l’Ouest, gravitaient autour de leur fondateur Jacques Foccart, baron du gaullisme, qui fut de 1960 à 1974 « conseiller de l’Élysée pour les affaires africaines et malgaches ».

Le versement du « fonds Foccart » aux Archives nationales a révélé l’étendue du réseau de correspondants, d’affidés, d’informateurs, d’intermédiaires douteux et de mercenaires que l’ancien Monsieur Afrique du général de Gaulle avait bâti pour préserver l’influence de Paris dans ses anciennes colonies.

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À la mort du général de Gaulle, il est resté en fonction sous la présidence Pompidou, puis fut rappelé en 1986 par Jacques Chirac quand il a été nommé Premier ministre, puis président de la République en 1995.

Lors de ses obsèques officielles, en mars 1997 dans la cour des Invalides, huit chefs d’États d’Afrique francophone avaient fait le déplacement. Depuis, la fin de ce système a été annoncé successivement par les présidents français Nicolas Sarkozy, puis François Hollande.

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Realpolitik macronienne

Juste après avoir affirmé, devant son auditoire d’étudiants burkinabè, « qu’il n’y a plus de politique africaine de la France », Emmanuel Macron a enchaîné : « Il y a une politique que nous pouvons conduire, il y a des amis, il y a des gens avec qui on est d’accord, d’autres non. Mais il y a surtout un continent que nous devons regarder en face ».

« Bien évidemment, la France a une stratégie en Afrique, et c’est heureux, estime Laurent Bigot. Sinon pourquoi le président Macron aurait-il fait cette tournée, et un discours sur l’Afrique ? Il est heureux que nous ayons une politique pour promouvoir les intérêts de la France en Afrique, les Français paient des impôts pour ça. Sinon, à quoi serviraient nos ambassadeurs ? Vous pensez que la Chine n’a pas de politique africaine ? ».

La distance que le président Macron a voulu mettre avec les anciennes pratiques tient « de la realpolitik », ajoute Antoine Glaser. « Il doit tenir compte de la perte d’influence de la France en Afrique. Car aujourd’hui, en dehors du Sahel, la France en Afrique ce n’est plus grand-chose ».

« Et c’est là que se trouve la vraie rupture », ajoute-t-il. « Il dit à la jeunesse africaine : « Je suis jeune, je suis comme vous né après la colonisation, je ne vais plus être coincé avec les anciens chefs d’états africains », des autocrates qui souvent avaient été cooptés par la France. Il la joue à la Barack Obama, il veut s’adresser aux sociétés civiles africaines ».

« Son attitude envers les chefs d’états africains a fondamentalement changé, poursuit-il. Il refuse l’héritage du passé, il passe l’ardoise magique sur la Françafrique, sans jamais prononcer le mot ».

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