Crise des liquidités en Libye : vers un recours aux obligations islamiques ?

Membre du comité de direction de la Banque centrale de Libye, Abdurrahman Habil propose d’avoir recours aux obligations islamiques « sukuk » pour réintroduire de la liquidité dans le système bancaire libyen.

Dans un bureau de change de Tripoli, en juillet 2011, alors que la ville était bombardée par l’OTAN. © Tara Todras-Whitehill/AP/SIPA

Dans un bureau de change de Tripoli, en juillet 2011, alors que la ville était bombardée par l’OTAN. © Tara Todras-Whitehill/AP/SIPA

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Publié le 30 novembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Dans son projet exposé le 29 novembre à Tunis lors du Forum sur le secteur bancaire libyen, Abdurrahman Habil, membre du comité de direction de la banque centrale, propose l’émission d’obligation islamique sukuk afin d’améliorer la liquidité du système bancaire libyen.

Sadiq al-Kabir, gouverneur de la banque centrale de Libye, estimait en avril à 30 milliards de dinars libyen (18,6 milliards d’euros au taux officiel, 2,6 milliards d’euros au marché parallèle) le montant de billets en circulation au sein de l’économie, soit 70% du PIB contre 9% seulement en 2010. La banque centrale de Libye, affiliée au gouvernement d’entente nationale, a repris le contrôle de la politique monétaire du pays, sa consœur de l’est agissant désormais comme l’une de ses succursales.

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Un degré élevé de thésaurisation

En raison de la méfiance envers les banques commerciales et de l’effondrement de la monnaie libyenne sur le marché parallèle, passé de 3,41 dinars pour un euro en moyenne en 2016 à 11,41 dinars pour un euro en novembre 2017, les commerçants préfèrent conserver leurs recettes en cash, asséchant d’autant la liquidité du système bancaire.

Du fait de ce degré élevé de thésaurisation, les Libyens, majoritairement fonctionnaires, ne peuvent plus accéder à leurs salaires versés par l’État sur leurs comptes bancaires, faute de billets de banque disponibles.

Selon Habil, les « sukuk » seraient distribués aux ménages et au secteur privé sous forme de chèques contre de l’argent liquide, qui réintégrerait alors les banques libyennes. Le fonctionnement des sukuk s’apparente à celui des obligations, l’échéance et le remboursement du capital étant définit à l’avance. En revanche, ces titres doivent être adossés à des actifs réels, le paiement d’intérêt étant prohibé par la finance islamique.

Le financier libyen envisage d’utiliser comme sous-jacent à ces obligations islamiques le baril de pétrole.

Un remède à court et long terme

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« C’est un remède à court et long terme, assure Abdurrahman Habil. Les liquidités reviennent immédiatement dans le circuit puisque les sukuk sont payables à l’avance et cela développe la culture d’investissement et donc l’intégration du circuit monétaire. » L’économiste assure que la réforme pourrait être mise en place en un an.

En attendant, certaines banques ont mis en place des solutions électroniques pour parer à l’absence de liquidité. La Banque du commerce et du développement a développé un système de paiement par téléphone portable. Ce procédé, viable uniquement pour de petites transactions, a déjà séduit 55 000 clients pour un volume d’échange total de 65 millions de dinars, selon le directeur de la banque, Jamal Abdelmalek.

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Vers une dévaluation drastique du dinar ?

Les dirigeants d’entreprises libyennes présents au forum, à l’instar de Husni Bey d’HB Group, prônent une dévaluation drastique du dinar, certains évoquant un taux de 8 dinars pour un dollar (1,36 dinar au taux officiel, contre 9,55 dinars au marché parallèle). « La dévaluation est inefficace si elle n’est pas suivie d’une politique financière stable », nuance un expert occidental venu tâter les pouls de l’économie libyenne.

Quelques heures auparavant s’étaient réunis à Tunis de jeunes entrepreneurs libyens, membres du programme européen de soutien au secteur privé SLEIDSE, qui évoquaient leurs difficultés d’accès au crédit bancaire. Amira Msaed a ainsi dû se résoudre à demander de l’argent à sa famille pour démarrer son commerce de décorations artisanales : « J’ai demandé à beaucoup de banques mais je n’ai rien obtenu à cause du manque de liquidité. » Il ne lui manquait que 300 dinars, soit 186 euros au taux officiel, ou 26 euros sur le marché parallèle.

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