Dette publique au Togo : assainir sans étrangler
L’inflation est maîtrisée, le déficit budgétaire contenu, la croissance soutenue. Reste à réduire l’énorme dette publique, que les investissements réalisés pour relancer la machine ont fait monter en flèche.
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 13 décembre 2017 Lecture : 4 minutes.
Togo : sous l’arbre à palabres
Révision constitutionnelle, décentralisation, contestation, dette publique, emploi… : le point sur les nombreux dossiers sensibles dans le pays.
L’économie togolaise est à un tournant. Soucieux de redonner vie à un pays congelé par l’ostracisme international qui avait sanctionné son dictateur de père, le président Faure Gnassingbé avait appuyé à fond sur l’accélérateur des investissements publics dans les infrastructures.
Les chantiers du port et de l’aéroport de Lomé, et de nouvelles routes, notamment, ont permis d’amortir les aléas conjoncturels liés à la chute des cours des matières premières et au ralentissement de la dynamique sous-régionale. De bonnes récoltes aidant, la croissance ne devrait pas tomber au-dessous des 5 % par an.
La contrepartie de cet effort a été la dégradation du déficit budgétaire, qui a tutoyé les 10 % du PIB et, surtout, une montée en flèche de la dette publique. Celle-ci était tombée de 81 % à 17 % du PIB de 2007 à 2010, grâce à son allègement. Dès 2011, elle est repassée à 48,6 % et excède aujourd’hui les 80 %, soit le taux le plus élevé de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), qui en a fixé le maximum à 70 %.
L’intervention du FMI
L’alerte est d’autant plus grave qu’une partie de cette dette n’apparaissait pas, se dissimulant sous le vocable de « préfinancements ». Ce système triangulaire consistait pour l’État à accorder, de gré à gré, le marché d’un chantier routier, par exemple. Une banque avançait les fonds à l’entreprise chargée des travaux, et c’était l’État qui remboursait la banque. Or si l’on additionnait la dette officielle, les « préfinancements » et l’importante somme des impayés, le budget togolais devait près de 1 milliard d’euros, et la banqueroute pointait à l’horizon.
Obliger l’État à se serrer la ceinture alors que le président a promis de donner la priorité au développement économique et social au cours de son quinquennat
Le FMI s’en est ému, et les négociations avec le gouvernement ont permis de parvenir à un programme approuvé par le conseil d’administration de l’institution, le 5 mai. En échange d’une facilité de crédit de 241,5 millions d’euros sur trois ans, les autorités togolaises se sont engagées à réduire le train de vie de l’État et à annuler ou à reporter les investissements les moins nécessaires. Le budget 2017 tend à l’équilibre. Les « préfinancements » ne sont plus pratiqués et sont même en cours de remboursement. Objectif : réduire la dette à 56,4 % du PIB à l’horizon 2022.
L’exercice est délicat. Obliger l’État à se serrer la ceinture – alors que le président a promis de donner la priorité au développement économique et social au cours de son quinquennat (2015-2020) – risque de l’obliger à réduire les moyens qu’il comptait utiliser pour honorer cette promesse. Ce qui peut se révéler contre-productif au moment où des tensions politiques et sociales se multiplient.
Miser sur l’exportation
« Il est vrai que le Togo avait beaucoup investi, analyse Dominique Strauss-Kahn, l’ancien directeur général du FMI, qui conseille le président Faure Gnassingbé. Mais, en renonçant à ces préfinancements et en mettant au point un plan de redressement, il a convaincu le Fonds qu’il était dans la bonne voie. Le Togo va s’en sortir. Évidemment, il disposera de moins d’argent en renonçant aux expédients antérieurs, mais il va recevoir nettement plus des bailleurs nationaux et multilatéraux convaincus de la viabilité de sa dette grâce à l’accord passé avec le FMI. »
L’économie togolaise continue de reposer sur l’exportation de produits peu ou pas transformés
Banque mondiale (voie ferrée nord-sud), Banque ouest-africaine de développement (irrigation, routes), coopérations allemande, japonaise et française n’attendaient que ce moment pour rouvrir les vannes de leurs « prêts concessionnels » (à conditions bonifiées). Pour sa part, l’AFD pourrait décupler son apport, qui passerait de 8 millions à près de 80 millions d’euros par an. La remise d’aplomb des comptes publics ne devrait donc pas avoir d’effet récessif.
Reste que l’économie togolaise continue de reposer sur l’exportation de produits peu ou pas transformés, et que son agriculture (café, cacao, coton…) fonctionne massivement dans l’informel, de même que sa filière phosphates. Par ailleurs, le port de Lomé – le seul du golfe de Guinée qui soit naturellement en eau profonde – a été handicapé parce que le gouvernement a été l’un des rares de l’Uemoa à appliquer au transport routier une taxe à l’essieu, pénalisant par là même le Togo.
Diversifier l’économie togolaise
Comme dans beaucoup d’autres pays africains, les moteurs de croissance (hors la dépense publique, en panne) n’existent guère. Il faut donc d’urgence diversifier l’économie et exporter plus de produits à valeur ajoutée. Le chef de l’État réfléchit au moyen d’y parvenir. Trois secteurs semblent prioritaires : l’agriculture, l’énergie et les télécommunications.
« Le Togo n’est vraiment plus le même pays qu’il y a dix ans » prétend Dominique Strauss-Kahn
Dominique Strauss-Kahn verrait bien le Togo redevenir la place financière la plus importante de la région qu’il a été jadis. « Il pourrait être une sorte de Suisse, car il est de l’intérêt de tout le monde que le centre financier régional soit dans un petit pays, cela rassure », déclare-t-il. Ce qui suppose que ledit pays conserve sa stabilité politique, un climat social relativement apaisé et que son climat économique demeure « vibrant », comme le qualifie avec admiration un expert étranger pour lequel « le Togo n’est vraiment plus le même pays qu’il y a dix ans ».
Espérons que le budget, consacré à 46,8 % aux dépenses sociales, convaincra les Togolais de prendre patience, bien que la persistance de leur pauvreté et des inégalités commence à leur peser, à bon droit.
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