Voyager dans la zone Cemac : bakchichs, barrages, parano sécuritaire… Le parcours du combattant
Frontières tantôt ouvertes tantôt fermées, Bakchichs, barrages, paranoïa sécuritaire… La traversée des pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac) relève toujours du parcours du combattant.
Située à 280 kilomètres au sud de Yaoundé, au Cameroun, la ville de Kyé Ossi est un point de passage obligé, au carrefour des routes bitumées qui relient la capitale camerounaise à Bata, en Guinée équatoriale, et à Libreville, au Gabon. Ici convergent chaque jour des centaines de camions. À leur bord, des cargaisons de produits alimentaires frais, du bétail et d’autres marchandises échangées dans la sous-région.
Roger, camerounais, est un habitué de la transafricaine, qu’il arpente dans les deux sens entre Libreville et Yaoundé avec son Canter – un camion de marque japonaise. Pour lui, la Cemac ne facilite toujours pas la vie des transporteurs. "Trop de barrages sur les routes, déplore-t-il. D’une ville à l’autre, policiers, gendarmes et douaniers nous extorquent de l’argent." Refuser de glisser un bakchich dans le dossier du véhicule lors des contrôles peut faire perdre des heures précieuses, "surtout lorsque nous transportons des produits périssables", précise Roger.
Après la frontière, le parcours du combattant continue côté gabonais : Bitam, Oyem, Mitzik, Njolé… Libreville. À chaque fois, quelques billets de banque sont exigés et le coût de la corruption répercuté sur le prix des produits revendus sur les étals des marchés.
La frontière ouvre et ferme au gré de l’humeur des autorités
Ceux qui se rendent en Guinée équatoriale ont d’autres soucis. La frontière ouvre et ferme au gré de l’humeur des autorités de Malabo, qui, depuis janvier 2014, exigent un passeport muni d’un visa, alors qu’auparavant une simple carte d’identité suffisait. La libre circulation entre les pays était pourtant censée entrer en vigueur à cette même date, mais, craignant un afflux d’étrangers, l’ancienne colonie espagnole a imposé pendant un mois la fermeture de sa frontière terrestre. Au grand dam des acheteurs de denrées alimentaires et des marchés environnants.
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Ces fermetures récurrentes sont particulièrement redoutées par les 60 000 habitants de Kyé Ossi et sa région, car elles portent un coup d’arrêt à l’économie de cette ville de transit. Restaurateurs et hôteliers voient leur chiffre d’affaires fondre et ne peuvent même plus s’approvisionner en produits d’origine espagnole dans la ville voisine d’Ebibeyin.
Tenaillés par l’obsession sécuritaire et la phobie du complot, les pays riches, comme la Guinée équatoriale et le Gabon, ont serré la vis. Pas question de laisser entrer les étrangers communautaires, ne serait-ce que pour un séjour de trois mois, comme le souhaite pourtant la Commission de la Cemac. Le visa reste obligatoire et aucune révision ne semble à l’ordre du jour tant que ne seront pas remplies les conditions liées à la sécurisation des titres de voyage et des fichiers de police, exigés par les deux pays.
"Les hypocrisies menancent notre cohésion"
Plus au nord, aux frontières du Tchad et du Cameroun avec la Centrafrique, les problèmes de sécurité sont sur le point de menacer les acquis communautaires. Le 13 juin, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a annoncé qu’il examinerait les informations concernant le refoulement par le Tchad de personnes fuyant la Centrafrique. L’organisation onusienne a annoncé qu’elle avait entamé des discussions avec les autorités de N’Djamena, tout en demandant aux pays voisins, impliqués dans la résolution de la crise, de maintenir leurs frontières ouvertes aux réfugiés.
Faut-il l’intervention d’une organisation internationale pour inciter les pays membres d’une même communauté à se montrer solidaires ? Importée de Centrafrique ou du Nigeria – avec l’insurrection islamiste de Boko Haram -, la menace sécuritaire constitue un défi pour la Cemac. "Une communauté comme la nôtre devrait être capable de juguler de pareilles crises, relève un haut fonctionnaire de l’organisation. Malheureusement, les hypocrisies et les égoïsmes menacent notre cohésion et annihilent nos avantages."
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