Diplomatie : « Africa first », le continent au centre de toutes les attentions
Marrakech, Ouagadougou, Abidjan, Accra : curieuse séquence que celle que vient de connaître l’Afrique, qui a accueilli, entre le 27 et le 30 novembre, un grand nombre de ses principaux partenaires.
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 4 décembre 2017 Lecture : 2 minutes.
La Chine dans la cité ocre du royaume chérifien, la France d’Emmanuel Macron à Ouaga et à Accra et l’Union européenne dans la capitale économique ivoirienne. Pour des perspectives très différentes.
Nouvelle route de la soie
En moins de vingt ans, la Chine est devenue le premier partenaire de l’Afrique. Jamais les relations entre Pékin et le continent n’avaient été aussi étroites et aussi fortes. Une donnée, plus que toute autre, reflète ce dynamisme : depuis 2014, il y a davantage d’étudiants africains en Chine qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ils seront plus de 50 000 l’année prochaine.
L’empire du Milieu ne cesse de se réinventer et, partant, d’adapter sa stratégie de conquête économique
Contrairement à une France et à une Europe, il est vrai, plus directement concernées par les évolutions et les soubresauts du continent et qui peinent à faire leur aggiornamento africain et à dépasser les pesanteurs historiques de la période coloniale, l’empire du Milieu ne cesse de se réinventer et, partant, d’adapter sa stratégie de conquête économique.
La Chine aspire à devenir la première puissance mondiale et s’en donne les moyens à travers un projet au nom évocateur : la « nouvelle route de la soie » (One Belt, One Road). Difficile de le résumer ici en quelques lignes. Disons qu’il s’agit d’un programme de développement titanesque reposant sur un vaste chantier d’infrastructures et destiné à fluidifier la communication et les relations avec le monde extérieur.
Pragmatisme
Les critères ne sont évidemment pas géographiques. Intégreront cette fameuse « route » tous ceux qui souhaiteront commercer de manière privilégiée avec la Chine et qui présenteront, en retour, un intérêt pour cette dernière. Pékin, sous l’impulsion du président Xi Jinping, 64 ans, n’entend plus faire profil bas.
Ses sociétés, publiques et privées, seront le fer-de-lance de cette stratégie. L’État, quasi tout-puissant, les soutiendra, y compris financièrement s’il le faut. Une seule règle : le pragmatisme. Et un nouvel outil économique : le partenariat public-privé (PPP). Une nouvelle Chine, qui semble avoir retenu les leçons de ses erreurs passées, se dessine…
Sur le plan des transferts de technologie, les Chinois font comme les Européens ou les Américains. Ils ne transmettent rien
Sur le continent, près de 10 000 entreprises chinoises sont déjà implantées, majoritairement des PME. Dans des secteurs aussi variés que la manufacture, l’agriculture, les télécoms, le logement, le transport ou la logistique. Et contrairement à un cliché qui a la vie dure, elles emploient principalement une main-d’œuvre locale.
Sur le plan des transferts de technologie ou de compétences, ne rêvons pas. En la matière, les Chinois font comme les Européens ou les Américains… Ils ne transmettent rien, ou si peu.
Le monde devient donc tripolaire. Les États-Unis et l’Union européenne vont demeurer des pôles d’influence traditionnels. Mais le dynamisme, lui, sera chinois. Et pour l’Afrique, c’est une excellente nouvelle.
Gardons-nous cependant de nous frotter les mains benoîtement en pensant faire monter les enchères entre tous ces concurrents, auxquels il faut ajouter le Japon, l’Inde, le Brésil ou la Russie.
Si les États africains ne défendent pas d’abord et avant tout leurs propres intérêts – l’intérêt général, pas celui des dirigeants ou de ceux qui signent les contrats –, personne ne le fera à leur place. Et la nouvelle compétition économique qui se joue sur leurs terres ne servira à rien. Africa first, enfin ?
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